Mise à jour des perspectives de 2023 pour le secteur laitier : légère amélioration des marges en 2023
Voici la troisième de trois mises à jour trimestrielles de nos perspectives de 2023 pour le secteur laitier publiées en janvier. La semaine dernière, nous avons mis à jour nos perspectives pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses, et la semaine prochaine, nous mettrons à jour les perspectives pour les secteurs bovin et porcin.
À la fin du mois d’août, le P5 a annoncé l’annulation des journées incitatives de l’automne, indiquant que la production supplémentaire n’était plus nécessaire. Il n’y a plus que deux journées incitatives cet automne dans le P5 (les provinces visées par l’Entente sur la mise en commun du lait de l’Ouest [MCLO] ont aussi deux journées incitatives cet automne). La forte production enregistrée depuis le début de l’année, l’augmentation des importations et le ralentissement de la demande sont les raisons qui expliquent l’annulation des journées incitatives.
Ce mois-ci, la Commission canadienne du lait (CCL) a publié son Enquête sur le coût de production pour l’année 2022. Les résultats de l’enquête, conjugués à la Formule nationale d’établissement des prix, laissent entrevoir une hausse de 1,8 % du prix à la ferme à compter de février 2024. Cela n’est pas garanti. Selon la procédure, les intervenants de l’industrie avaient jusqu’au 13 octobre pour aviser la CCL s’ils souhaitaient invoquer le mécanisme de circonstances exceptionnelles, lequel suspend les résultats de la Formule nationale d’établissement des prix le temps de procéder à d’autres consultations. Au moment de la rédaction du présent article, la Fédération canadienne des épiciers indépendants avait déjà invoqué ce mécanisme. Les Producteurs laitiers du Canada ont publié par la suite un énoncé dans lequel ils recommandaient de retarder un rajustement de prix potentiel. Une annonce définitive devrait être faite à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre.
Les prix combinés du lait sont demeurés inchangés au cours des derniers mois pour les mêmes raisons que celles que nous avons soulignées en juillet. Cela a entraîné une légère révision à la baisse de nos prévisions de recettes unitaires des exploitations laitières (tableau 1). Nos prévisions de coûts demeurent essentiellement inchangées par rapport à notre dernière mise à jour. Par rapport à 2022, les revenus sont légèrement plus élevés et les coûts des aliments pour animaux sont légèrement moins élevés. En 2023, les frais liés aux taux d’intérêt sont plus élevés que l’an dernier, ce qui exerce une pression à la baisse sur les marges.
Tableau 1 : Estimations des revenus et des coûts variables des exploitations laitières
Tendances à surveiller en 2023
En janvier, nous avions déterminé que les éléments suivants étaient des facteurs d’influence à surveiller en 2023. Voici une brève mise à jour pour chaque facteur.
1. Coûts élevés des intrants
Selon Statistique Canada, les coûts des aliments pour animaux dans l’Est ont diminué lentement en 2023, soit de 8,6 % depuis janvier. Toutefois, ils sont toujours élevés; en août 2023, ils dépassaient de près de 44 % les prix de janvier 2020, moment où Statistique Canada a commencé à compiler des données à ce sujet.
Figure 1 : Les coûts des aliments pour animaux diminuent dans le P5, mais demeurent élevés en 2023
La disponibilité du foin dans l’Ouest demeure un problème. Selon le gouvernement de l’Alberta, le prix moyen du foin en Alberta a augmenté de 24 % depuis janvier et devrait demeurer élevé en 2024, jusqu’à la première coupe de l’année prochaine. Le prix moyen de l’orge fourragère a diminué de 7 % depuis janvier, mais demeure élevé à 7,80 $ le boisseau.
2. Niveaux de stocks de beurre
Les niveaux de stocks de beurre sont liés au volume de production requis : quand les stocks sont bas, une plus grande production est nécessaire, et vice versa. La production est forte cette année : au cours de la période de douze mois qui s’est terminée en juillet 2023, la production totale de matière grasse butyrique a augmenté de 2,4 % par rapport à la même période l’année précédente. En août, les stocks de beurre ont atteint près de 29 000 tonnes, ce qui frôle un sommet en trois ans. Pour la première fois depuis 2015, les stocks de beurre au mois d’août ont augmenté par rapport aux niveaux de juillet. L’automne est habituellement le moment où les stocks de beurre diminuent. Cela devrait se produire à nouveau en 2023; en effet, la CCL prévoit que les stocks de beurre en décembre se situeront entre 22 000 et 23 000 tonnes.
Figure 2 : Les stocks de beurre en août frôlent un sommet en trois ans
3. Importations de produits laitiers
En septembre, un groupe spécial de résolution des différends a publié ses conclusions concernant l’attribution par le Canada de ses contingents tarifaires (CT) en vertu de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Les plaintes déposées par la Nouvelle-Zélande étaient semblables aux plaintes déposées par les États-Unis en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Le groupe spécial a donné raison à la Nouvelle-Zélande sur certains points et au Canada sur certains autres. On s’attend à ce que certains changements soient apportés au processus d’attribution des CT du Canada.
Les importations de beurre en vertu de l’ACEUM et du PTPGP sont fortes depuis l’adoption de ces accords. La CCL indique que les importations de matière grasse butyrique ont augmenté de 16,7 % en juillet 2023 par rapport à juillet 2022, principalement en raison de l’augmentation graduelle du volume des importations de beurre et de crème. Ces augmentations graduelles de l’accès au marché prendront fin en 2024 (PTPGP) et en 2025 (ACEUM); après 2025, le volume de produits laitiers autorisés à entrer au Canada en franchise de droits sera relevé de 1 % par année, taux beaucoup plus faible que les augmentations annuelles actuellement en place pendant la période de transition.
4. Inflation des prix de détail
Le prix du beurre commence-t-il à avoir un effet dissuasif sur les consommateurs? C’est possible. Étant donné la facilité de conservation du beurre, les ventes sont difficiles à interpréter; par exemple, si le beurre est en solde, les consommateurs peuvent en faire des provisions. Toutefois, les données les plus récentes de la CCL ne sont pas encourageantes. La consommation de beurre au cours de la période de douze mois qui s’est terminée en juillet 2023 a diminué de 6,3 % par rapport à la même période l’année précédente, et ce, malgré l’augmentation de la population canadienne de 1,2 million de personnes pendant cette période.
Dans l’ensemble, la hausse des prix des aliments a ralenti au cours des derniers mois, mais le taux d’inflation demeure élevé. En août 2023, le prix de la margarine a augmenté de 8,2 % en glissement annuel, ce qui est nettement inférieur à la hausse de 37,5 % sur douze mois enregistrée en août 2022. Il s’agissait de la première fois depuis plusieurs mois que l’augmentation du prix de la margarine était inférieure à celle du beurre (8,6 %).
En conclusion
La volonté de reconstituer les stocks de beurre dont nous avons discuté dans nos perspectives de janvier a été si efficace que les journées incitatives supplémentaires prévues dans le P5 ne sont plus nécessaires. Les coûts des aliments pour animaux sont légèrement inférieurs cette année dans certaines parties du pays, mais les paiements d’intérêts sont en hausse. Ce sera donc une autre année très serrée pour les producteurs. Les marges de producteurs de la MCLO seront extrêmement serrées, en particulier dans les régions où les aliments pour animaux sont rares.
Économiste principal
Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.
Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).