L’avenir de l’agriculture : outiller la prochaine génération canadienne d’agriculteurs et d’agricultrices

L’agriculture canadienne est confrontée à un défi majeur, car les changements démographiques radicaux entraînent un transfert générationnel des actifs agricoles qui définira l’avenir du secteur. La composition de la population agricole change. En 2026, on prévoit que plus de 50 % des exploitants et exploitantes agricoles au Canada auront plus de 60 ans, alors que le nombre de jeunes de moins de 40 ans dans le secteur restera inchangé (figure 1). L’âge moyen des exploitants et exploitantes agricoles continue d’augmenter, passant de 55 ans en 2016 à 57 ans en 2026. Les départs du secteur agricole sont plus nombreux que les arrivées dans celui-ci, avec en moyenne 3 500 exploitations agricoles qui ferment ou sont regroupées en sociétés agricoles familiales chaque année entre 1996 et 2021.
Figure 1 : Caractéristiques démographiques des exploitantes et exploitants agricoles au Canada en fonction de l’âge – de 2016 à 2021 et prévisions de FAC pour 2026.

Sources : Statistique Canada, FAC
L’industrie est confrontée à un transfert de propriété agricole sans précédent, dont plus de 50 milliards de dollars d’actifs agricoles qui devraient changer de mains au cours de la prochaine décennie. Cette estimation suppose que le taux de sortie des exploitations agricoles demeure semblable à la tendance observée au dernier recensement (de 2016 à 2021), soit 2 %, ou 0,4 % par année. Cela se traduit par une valeur estimée à 40 milliards de dollars en terres agricoles (environ 5,4 millions d’acres) et de 10 milliards de dollars en actifs courants, qui comprennent la machinerie, les bâtiments et d’autres actifs non fonciers, d’ici la fin de 2035.
Il est à noter qu’un retour improbable au taux de sortie moyen à long terme plus élevé de 0,8 % par an entraînerait des transferts d’actifs beaucoup plus importants. L’essor des sociétés agricoles familiales explique en partie la baisse récente des taux de sortie et influe sur les modalités de transfert des actifs. La proportion d’actifs agricoles transférés à la prochaine génération au sein de ces sociétés agricoles familiales restera élevée. Cette observation, combinée au fait que de 1 à 3 % des terres agricoles changent de mains chaque année, laisse prévoir des transferts d’actifs supérieurs à l’estimation de 50 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Ainsi, cette dernière estimation représente la limite inférieure des transferts d’actifs totaux, tandis que la limite supérieure, qui est beaucoup plus élevée, demeure difficile à évaluer.
Compte tenu de l’évolution démographique et des transferts d’actifs agricoles nécessaires, une question cruciale se pose : comment l’industrie agricole canadienne peut-elle réussir à combler avec succès le fossé générationnel et à assurer un avenir prometteur à l’agriculture? La réponse réside dans une nouvelle génération d’agricultrices et d’agriculteurs, qui sont jeunes, savent se diversifier, ont de l’instruction et de l’ambition et sont aptes à diriger. Toutefois leur parcours est loin d’être facile : le prix élevé des terres, l’accès limité aux capitaux et la complexité de la planification successorale sont autant d’obstacles à surmonter.
Surmonter les obstacles à l’entrée en agriculture
Les risques de production inhérents à l’agriculture et les risques financiers constituent des obstacles considérables pour les jeunes agriculteurs et agricultrices. Pour ceux et celles qui n’ont ni antécédents familiaux en agriculture ni de liens dans l’industrie, ces défis peuvent être particulièrement lourds à relever. La hausse de la valeur des terres agricoles constitue un obstacle financier important, car les tendances des revenus agricoles n’ont pas suivi la progression de la valeur des actifs au cours des dix dernières années, ce qui rend l’acquisition de terres agricoles sans cesse plus difficile. Les nouveaux venus peuvent accéder aux terres agricoles grâce à des contrats de location au comptant ou à des ententes de métayage. Le coût de la location de terres agricoles est généralement inférieur à celui du financement d’un achat, en plus d’alléger la pression sur la trésorerie et de faciliter la gestion des risques financiers.
Les jeunes agriculteurs et agricultrices peuvent également manquer de connaissances et de compétences. L’agriculture moderne exige une expertise avancée dans certains domaines comme la gestion agricole (agronomie de pointe, agriculture de précision, agriculture intelligente, production verticale, biotechnologie, etc.), la gestion financière, la conformité réglementaire et la durabilité, qui peuvent être difficiles à acquérir, en particulier pour les personnes qui n’ont pas d’expérience antérieure en agriculture. Le fait que l’agriculture fonctionne sur un cycle annuel signifie aussi que l’apprentissage par l’expérience peut s’avérer coûteux. Les jeunes n’ont souvent pas accès à des réseaux établis et à du mentorat, ce qui les isole et ne leur donne pas accès aux connaissances et au soutien de l’industrie.
Occasions d’outiller les jeunes en agriculture
Pour bâtir un avenir dynamique et attirer les jeunes agriculteurs et agricultrices, nous devons :
Accroître l’accès au capital et à la terre. Soutenir des prêts, des subventions et des programmes de jumelage sur mesure (p. ex., le programme de jumelage d’aspirants agriculteurs et d’aspirantes agricultrices avec des propriétaires d’exploitations de la Colombie-Britannique [en anglais seulement]) afin d’aider les jeunes à obtenir du financement et à acquérir des terres agricoles. Les ressources pour la planification de la relève sont essentielles.
Tirer parti de solutions de capital dédiées (p. ex., le prêt Transfert de FAC)
Investir dans l’éducation et le mentorat. Les programmes destinés aux jeunes (p. ex., les 4-H et Agriculture en classe), les bourses d’études, la formation pratique, les services consultatifs (comme Parlons de transfert de FAC) et les réseaux de pairs (p. ex., Young Agrarians [en anglais seulement]) permettent d’acquérir des compétences et de faciliter le transfert de connaissances.
Promouvoir le secteur. Les campagnes auprès du public peuvent moderniser l’image de l’agriculture et attirer des talents divers.
Renforcer les collectivités rurales. L’investissement dans les infrastructures et les services ruraux peut rendre les collectivités rurales plus attrayantes et plus inclusives, en particulier pour les groupes sous-représentés.
En conclusion
L’avenir de l’agriculture canadienne dépend de notre capacité à outiller la prochaine génération en éliminant les obstacles et en mettant en place des parcours d’intégration plus inclusifs dans le secteur. Le Canada peut veiller à ce que ses exploitations agricoles, son approvisionnement alimentaire et ses collectivités rurales prospèrent pendant des générations en exploitant l’énergie, la créativité et la diversité des jeunes agriculteurs et agricultrices.
Rapport préparé par : Bethany Lipka, analyste de la veille stratégique, et Isaac Kwarteng, économiste principal
