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Perspectives de 2021 pour le secteur du sirop d’érable

9 mars 2021
6,5 min de lecture

La production canadienne de sirop d’érable a crû à un rythme exceptionnel au cours des deux dernières années, après avoir connu une piètre année en 2018. La production a bondi de 35 % en 2019 par rapport à l’année précédente, tant au Québec que sur tout le territoire canadien. Mais en 2020, la COVID-19 a créé deux trajectoires possibles pour ce secteur au Canada, comme elle l’a fait pour de nombreux autres secteurs agricoles. La grande question qui se pose est de savoir si l’année 2021 sera meilleure. Alors que le mercure grimpe lentement, voici comment la production acéricole s’annonce au pays.

Une industrie à la croisée des chemins

En 2020, la production au Canada a augmenté de 8,3 % par rapport à l’année précédente, et au Québec, la plus importante région productrice au monde, elle a grimpé de 9,8 %. Les exportations canadiennes de sirop et de sucre d’érable ont augmenté de 20 % et elles devraient continuer à progresser au même rythme en 2021. Les ventes de sirop d’érable au pays ont également fait bonne figure malgré la pandémie.

Selon Nielsen, les ventes en dollars ont crû de 20,1 % en 2020 par rapport à l’année précédente. Quant aux ventes en volume, elles ont progressé de 15,2 %. Les prix ont baissé légèrement au Nouveau-Brunswick en 2020 par rapport à l’année précédente, mais au Québec, ils sont demeurés stables. La COVID-19 a engendré des fluctuations importantes de prix pour de nombreux aliments, mais il est peu probable qu’elle ait un effet sur les prix du sirop d’érable cette année. Elle cause toutefois des changements aux habitudes de consommation de certains ingrédients. Les condiments non sucrés (comme la moutarde) dépendent du secteur des services alimentaires; leur consommation a donc chuté. Et bien que la consommation de condiments sucrés a également diminué en raison de préoccupations liées à la santé, le sirop d’érable fait exception.

Un coup dur pour les restaurants

Les habitudes de consommation de sirop d’érable en Amérique du Nord pendant la COVID-19 ont exposé une faille de l’industrie. Au moins le quart des 220 cabanes à sucre enregistrées au Québec ont dû cesser toutes leurs activités en raison des restrictions visant les restaurants. Un autre 25 % d’entre elles ont modifié leurs activités pour se concentrer uniquement sur la production de sirop. La fermeture prolongée des salles à manger imposée par les ordres de fermeture en vigueur au Québec pourrait en forcer d’autres à faire de même. Les cabanes à sucre qui offrent des repas à emporter s’en sortent assez bien, mais une restructuration sans précédent du côté de l’offre pourrait s’opérer au cœur du territoire mondial de production de sirop d’érable en 2021.

Ce ralentissement important des affaires s’est produit pendant une année de production presque record. Même si la production en Ontario et au Nouveau-Brunswick a légèrement diminué, l’année 2020 a été excellente au Québec où les producteurs ont enregistré une production moyenne de 3,59 lb/entaille alors que la moyenne sur cinq ans est de 3,29 lb/entaille. Dans la mesure où les conditions météorologiques seront favorables ce printemps, la production devrait être bonne encore cette année.

Intensification de la concurrence américaine sur les marchés mondiaux

La production américaine était légèrement inférieure en 2020 (3,56 lb/entaille) à celle du Canada, mais elle était néanmoins supérieure à sa moyenne sur cinq ans (de 2015 à 2019) de 3,38 lb/entaille. Dans l’ensemble, la production américaine, avec ses 13,5 millions d’entailles (comparativement à plus de 48 millions d’entailles au Québec), a augmenté de 4,6 % par rapport à l’année précédente. Le secteur acéricole des États-Unis continue de faire des gains sur les marchés mondiaux et semble maintenant limité seulement par son plus petit nombre d’entailles que le secteur acéricole canadien.  

Les États-Unis exportent vers des marchés où le Canada n’exporte pas, mais les deux pays ont également de nombreux grands importateurs en commun. Les valeurs à l’unité du sirop d’érable américain sont généralement plus faibles que celles du sirop canadien (tableau 1).

Tableau 1 : Valeurs totales et valeurs par unité des exportations de sirop et de sucre d’érable canadien et américain dans les principaux marchés (code SH 170220)

Graphique montrant les valeurs totales et valeurs par unité des exportations de sirop et de sucre d’érable canadien et américain dans les principaux marchés.

Source : UNComtrade.

La diversification des exportations canadiennes progresse lentement depuis au moins 2015, à l’exception de la Chine. En 2020, la Chine ne figurait pas encore dans la liste des 10 plus grands importateurs de sirop d’érable canadien, mais de 2015 à 2020, ses importations de sirop d’érable canadien ont crû à un taux annuel moyen de 11 % pour atteindre 1,2 million de dollars. Malgré une légère croissance dans certains petits marchés, la sève sucrée demeure une spécialité gastronomique de l’Amérique du Nord, tant pour la production que pour la consommation. Le Canada exporte vers un marché concentré : les États-Unis représentent environ 60 % des exportations canadiennes. Quant aux États-Unis, le seul autre pays producteur de sirop d’érable, ils envoient la plus grande partie de leurs exportations au Canada.

Une structure sectorielle en pleine évolution

Afin de réaliser des économies d’échelle, les producteurs cherchent à accroître leur production pour réduire leurs coûts à l’unité. Même si les coûts totaux augmentent, les coûts moyens peuvent baisser à mesure que la capacité augmente. En 2016 (données les plus récentes), les coûts variables moyens de transformation de la sève en sirop à l’aide d’un évaporateur à l’huile traditionnel pour les érablières de 40 000 entailles étaient de 10 % plus faibles que ceux des exploitations de 20 000 entailles. Ce simple fait est suffisant pour stimuler la consolidation du secteur.

Dans un contexte où une restructuration majeure est possible, la technologie est un autre facteur qui motive les acériculteurs à élargir leurs exploitations. Les évaporateurs électriques et les systèmes de gestion d’érablière qui détectent les fuites, les bris et les gels de tubulure sont deux exemples de technologies qui sont rentables seulement pour les exploitations d’une certaine taille. Les évaporateurs électriques ont un coût d’utilisation inférieur aux évaporateurs à huile toujours en usage dans la plupart des érablières. Malgré leur avantage économique, on ne les retrouve que dans les exploitations les plus grandes. Quant aux systèmes de gestion d’érablière, ils permettent d’améliorer la surveillance et la productivité, en plus de réduire les besoins en main-d’œuvre. Toutefois, ces systèmes nécessitent un accès à un réseau Internet sans fil – ce qui ne se trouve pas partout – et un certain nombre d’entailles pour justifier leur achat.

Le succès de la production 2021 sera déterminé, comme toujours, par les conditions météorologiques. Toutefois, les décisions d’affaires, planifiées ou non, que les acériculteurs prennent pendant cette période de chamboulement causée par la COVID-19 sont toutes aussi importantes. Voici comment un couple d’acériculteurs du Nouveau-Brunswick tire son épingle du jeu.

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.