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Mise à jour des perspectives de 2022 pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses : les prix montent flèche en raison de la guerre en Ukraine

3 mai 2022
7 min de lecture

Voici la première de trois mises à jour trimestrielles de nos perspectives de 2022 que nous avons publiées en janvier pour les principales cultures. Au cours des deux prochaines semaines, nous mettrons à jour les perspectives pour le secteur laitier et les secteurs bovin et porcin.

Malgré les récents événements, les tendances importantes à surveiller en 2022 n’ont pas changé : les pressions inflationnistes exercées sur les prix des intrants, les tensions géopolitiques et le commerce mondial; cela étant dit, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé la façon dont nous devons analyser ces tendances et gérer les risques qui y sont associés.

Nos prévisions actuelles montrent des prix qui demeureront élevés pour le reste de l’année commerciale (tableau 1). Certains prix devraient baisser un peu par rapport aux sommets qu’ils ont récemment atteints, tandis que ceux du canola, du maïs et du soya devraient augmenter. Une récente annonce par les États-Unis sur la décision de prolonger l’utilisation du carburant E15 cet été donne un élan supplémentaire aux prix du maïs.

Tableau 1 : Les prix des cultures de la nouvelle récolte et de l’ancienne récolte ($/tonne) continuent de dépasser les attentes initiales

Tableau 1 affichée : Les prix des cultures de la nouvelle récolte et de l’ancienne récolte ($/tonne) continuent de dépasser les attentes initiales

Source : Calculs de FAC.

Les prix des produits agricoles de base continuent d’augmenter

L’invasion a plongé les marchés mondiaux des céréales dans le chaos. Comme nous l’avons souligné au début du mois de mars, l’Ukraine et la Russie sont d’importants exportateurs de nombreuses variétés de céréales et d’oléagineux, en particulier le blé, le maïs, le colza/canola et l’huile de tournesol. Les sanctions imposées par les pays occidentaux et des problèmes de logistique limitent les exportations de la récolte précédente en provenance de ces régions. La guerre soulève une foule de questions concernant la nouvelle récolte : quelle superficie pourra être ensemencée ce printemps? Quelle proportion de cette superficie pourra être récoltée? Les producteurs seront-ils en mesure d’effectuer la récolte? L’absence de réponses à ces questions, doublée de l’incertitude à propos de la disponibilité des intrants et de la main-d’œuvre, explique bien la récente volatilité des marchés des produits agricoles de base. La situation a forcé les acheteurs traditionnels de produits de base ukrainiens et russes à chercher désespérément d’autres fournisseurs, ce qui a fait grimper les prix.

Les marchés se sont stabilisés depuis, mais les prix des produits de base échangés demeurent beaucoup plus élevés qu’au début de l’année. Les prix à terme du blé et du maïs sont en hausse de 37 % et de 32 %, respectivement (figure 1).

Figure 1 : Les prix à terme sont en hausse pour l’ensemble du secteur (indexés au 1er janvier 2022 = 100)

Figure 1 affichée : Les prix à terme sont en hausse pour l’ensemble du secteur (indexés au 1er janvier 2022 = 100)

Sources : Barchart et calculs de FAC.

Les prix des intrants sont en hausse

Bien entendu, le revenu ne constitue qu’un seul aspect de la rentabilité. Les prix des intrants poursuivent leur ascension. Les prix des engrais étaient déjà gonflés avant l’invasion en raison de perturbations causées par la pandémie de COVID-19 et par la décision de la Chine de freiner l’inflation touchant les engrais et les aliments en limitant ses exportations d’engrais. Les prix des engrais anhydres, uréiques et phosphatés ont bondi de 56 %, 85 % et 32 %, respectivement, au cours de la présente année commerciale avant l’invasion (d’août à janvier).

L’invasion de l’Ukraine a ajouté de la pression sur le marché des engrais. En 2021, la Russie était le principal exportateur d’engrais azoté et le deuxième plus grand exportateur d’engrais potassique et phosphaté. Le Bélarus, un allié de la Russie également frappé de sanctions, était le troisième plus grand exportateur de potassium. De janvier à mars, les prix des engrais anhydres, uréiques et phosphatés ont encore grimpé de 22 %, 4 % et 9 %, respectivement. Cependant, après être restés stables d’août à janvier, les prix de la potasse ont bondi de 155 % de janvier à mars. Les sanctions économiques imposées à la Russie frappent plus durement les importations d’engrais dans l’est du Canada, parce que cette région dépend davantage de l’engrais importé de ce pays, en particulier l’azote, et qu’elle dispose d’une capacité limitée à entreposer tout l’engrais nécessaire.

Nos modèles de prévision ne montrent aucun ralentissement de la croissance des prix des engrais. Les prix moyens pour l’été (de mai à août) seront de 12 à 15 % supérieurs à ceux de mars (figure 2).

Figure 2 : Les prix des engrais continuent de grimper

Figure 2 affichée : Les prix des engrais continuent de grimper

Sources : Ministère de l’Agriculture et des Forêts de l’Alberta et Services économiques de FAC.

L’abordabilité des engrais, calculée en divisant le prix des engrais par le prix des cultures, a récemment diminué. Plus ce ratio est élevé, moins les engrais sont abordables par rapport au revenu tiré des cultures. Les ratios pour le blé, le canola et le maïs se situent près de leur moyenne à long terme et nous nous attendons à ce qu’ils augmentent légèrement au cours du reste de l’année (figure 3). Si ces prévisions se révélaient exactes, les ratios seraient en phase avec leurs niveaux atteints entre 2014 et 2015.

Figure 3 : Les ratios engrais-prix sont égaux ou inférieurs aux moyennes antérieures, mais pourraient les dépasser

Figure 3 affichée : Les ratios engrais-prix sont égaux ou inférieurs aux moyennes antérieures, mais pourraient les dépasser

Sources : Prix des intrants de culture en Alberta, prix à terme ICE et CME, et calculs de FAC.

Les cultures devraient demeurer rentables

D’une part, il y a les prix plus élevés des cultures et d’autre part, les prix accrus des intrants. Quelles sont leurs répercussions nettes sur la rentabilité attendue des cultures de 2022-2023?

L’humidité du sol sera un facteur clé cette année à la suite de la sécheresse de 2021 Les conditions de sécheresse se sont améliorées depuis l’automne, mais de vastes zones des Prairies sont toujours frappées de sécheresse grave ou extrême. La situation [en anglais seulement] s’est améliorée au Manitoba et dans la majeure partie de l’est de la Saskatchewan, tandis qu’elle demeure désastreuse dans le sud-ouest de la Saskatchewan et le sud-est de l’Alberta. Si nous nous fions aux rendements tendanciels, les cultures seront rentables au cours de la prochaine année commerciale (figure 4), et il y aura suffisamment de jeu pour composer avec une baisse des rendements tout en maintenant la rentabilité. Nous avons constaté que le bénéfice par acre doit diminuer d’environ 15 % pour que le rendement du blé de printemps soit négatif.

Figure 4 : Rentabilité prévue pour les cultures de l’Ouest sélectionnées

Figure 4 affichée : Rentabilité prévue pour les cultures de l’Ouest sélectionnées

Source : Calculs de FAC.

Dans la plupart des régions de l’est du Canada, l’humidité est abondante, mais le printemps froid et humide empêche les tracteurs de circuler dans les champs, ce qui ralentit les travaux. Toutefois, les producteurs ont amplement le temps de rattraper ce retard. Nous attendons une forte rentabilité des cultures de l’Est dans des conditions de croissance normales. Nous surveillons de près les prix des engrais et des pesticides, ainsi que leur disponibilité, qui pourraient être problématiques pour certaines exploitations agricoles.

Figure 5 : Rentabilité prévue pour les cultures de l’Est sélectionnées

Figure 5 affichée : Rentabilité prévue pour les cultures de l’Est sélectionnées

Source : Calculs de FAC.

À quoi s’attendre pour l’avenir?

Il est presque impossible de prédire quand et comment la guerre se terminera, mais plus elle durera longtemps, plus les structures du commerce mondial changeront. De nouveaux défis et de nouvelles occasions surgiront. La gestion des dépenses, y compris les prix des intrants et les frais de service de la dette, dans le contexte de la hausse des taux d’intérêt, aidera l’industrie agricole à profiter de ces nouvelles occasions. Les ratios stocks-utilisation mondiaux étaient stables avant l’invasion, mais les perturbations que la guerre a créées mettront l’approvisionnement à rude épreuve en 2022-2023. Le Canada est bien placé pour jouer un rôle important afin de répondre à la demande de blé, de canola et d’orge, en espérant que la sécheresse se résorbe. En effet, les conditions météorologiques seront, à court terme, la variable la plus déterminante de la saison de croissance 2022, particulièrement les niveaux d’humidité dans les Prairies.

x.com/Graeme_Crosbie
Graeme Crosbie

Économiste principal

Graeme Crosbie est économiste principal à FAC. Ses domaines d’intérêt portent notamment sur l’analyse et les perspectives macroéconomiques et sur l’analyse et la surveillance de l’industrie agroalimentaire canadienne. Ayant grandi sur une ferme laitière dans le sud de la Saskatchewan, il formule à l’occasion des observations sur la santé de l’industrie laitière du Canada.

Graeme est employé à FAC depuis 2013 et a consacré la plus grande partie de ces années à la gestion du risque. Il détient une maîtrise en gestion avec spécialisation en économie financière de l’Université de Cardiff ainsi que le titre d’analyste financier agréé (CFA).