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Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement créent des difficultés pour les fournisseurs d’intrants de culture

7 déc. 2021
7,5 min de lecture

La hausse des coûts de l’énergie, les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et les déficits de production créent de l’incertitude dans la chaîne d’approvisionnement des intrants de culture. Les grossistes et les détaillants d’intrants agricoles éprouvent des difficultés à s’approvisionner en semences commerciales et en herbicides pour le printemps 2022. Les prix des engrais ont doublé en un an et continuent d’augmenter. Au milieu de l’agitation du marché, quelles sont les tendances à surveiller jusqu’à la prochaine campagne agricole?

Les coûts élevés de l’énergie et les restrictions à l’exportation réduisent l’offre mondiale d’engrais

La hausse des prix de l’énergie à l’échelle mondiale a fait grimper les coûts de production d’engrais en 2021, ce qui a entraîné une diminution de la production mondiale et la mise en place de restrictions à l’exportation. La Chine est le plus important producteur et exportateur d’engrais du monde, fournissant environ 10 % des approvisionnements en urée et 30 % des approvisionnements en phosphate. Elle a imposé des restrictions à l’exportation pour s’assurer qu’elle pourrait répondre à ses propres besoins. La Russie, qui se classe au quatrième rang mondial des producteurs d’engrais azotés, prévoit également imposer des restrictions sur les quotas d’exportation d’engrais azotés et phosphatés afin de grossir ses stocks. Ces restrictions prendront effet le 1er décembre et seront en place pendant six mois.

De nombreux pays européens où les coûts de production d’engrais sont particulièrement élevés ont interrompu ou ont ralenti leur production d’engrais en raison de la hausse des coûts de l’énergie, notamment du gaz naturel dont les prix ont quintuplé. Cela a provoqué une réduction de 10 % de la capacité mondiale de production d’ammoniac. La baisse de la production européenne crée des occasions pour les exportations nord-américaines et soutient des prix plus élevés, les prix des engrais à base d’ammoniac ayant doublé depuis l’an dernier. On s’attend à ce que les fabricants nord-américains augmentent la production d’engrais pour reconstituer les stocks nord-américains afin de répondre à la demande printanière. Toutefois, les prix devraient demeurer élevés puisque la demande d’exportation reste forte.

La demande d’engrais au pays demeure forte

Au cours des deux dernières années, les prix élevés des céréales et des oléagineux ont encouragé les producteurs à employer des doses d’engrais plus fortes et à mettre en production des terres marginales, ce qui a stimulé la demande d’engrais en Amérique du Nord. Les conditions de sécheresse, particulièrement dans l’Ouest du Canada, ont entraîné une réduction des épandages d’engrais cet automne. Malgré cela, les stocks de la plupart des types d’engrais au Canada ont diminué en raison des exportations accrues vers les États-Unis où la demande devrait être forte au printemps 2022.

L’abordabilité des engrais, calculée en divisant le prix des engrais par le prix des cultures, a récemment diminué en raison des contraintes d’approvisionnement à l’échelle mondiale. Plus ce ratio est élevé, moins les engrais sont abordables par rapport à la valeur des cultures. Les prix élevés du canola ont atténué l’impact des prix élevés des engrais, comme le montre le ratio qui est demeuré sous le sommet de 2008 et les valeurs élevées plus récentes de 2014 (figure 1).

Figure 1 : Indice de l’abordabilité des engrais : ratio des prix azote-canola

Graphique montrant l’indice de l’abordabilité des engrais : ratio des prix azote-canola.

Sources : Prix des intrants de culture en Alberta, ICE futures, calculs de FAC.

Les Services économiques FAC prévoient que les prix des engrais augmenteront de 60 % en 2022. Devant la montée des prix, les producteurs vont peut-être revoir leurs intentions en matière d’ensemencements ou réduire les doses d’engrais. Des réductions de doses pourraient également être justifiées par la présence d’engrais résiduels causée par la sécheresse dans l’Ouest du Canada.

Perturbations potentielles de l’approvisionnement en produits agrochimiques et en semences

Le resserrement de l’approvisionnement en herbicides et en semences risque de compliquer davantage les décisions d’ensemencement en 2022. La crise énergétique de la Chine a engendré une réduction de la production de phosphore jaune, un ingrédient clé dans la fabrication de glufosinate et de glyphosate. Or, ces deux herbicides sont utilisés à grande échelle partout au Canada. Comme on s’attend à ce que la pénurie d’énergie en Chine dure encore quelque temps et qu’il y a peu d’autres fournisseurs, les perturbations vont probablement persister. La Chine exerce une influence particulièrement importante sur le marché des produits agrochimiques puisqu’elle représente près de 70 % de la production mondiale totale de glyphosate et d’autres ingrédients actifs utilisés dans la fabrication de produits chimiques en Amérique du Nord.

La disponibilité des herbicides et d’autres produits chimiques en 2022 devrait être à peu près équivalente à celle de la saison de culture de 2021. Les détaillants pourraient à nouveau devoir rationner la disponibilité et les ventes en réorganisant leurs stocks pour s’assurer de pouvoir satisfaire aux besoins immédiats de tous leurs clients.

Des rapports préliminaires indiquent que la sécheresse dans l’Ouest du Canada a également nui à la production de semences, ce qui pourrait entraîner des pénuries en 2022 [en anglais seulement]. La disponibilité de certaines semences pour les semis printaniers dépendra probablement de la production sud-américaine. Dans l’ensemble, les producteurs pourraient devoir ajuster leurs taux de semis ou leurs plans d’ensemencement pour faire face à toute perturbation de la disponibilité des semences.

Les Services économiques FAC prévoient des hausses moyennes de prix de 9 % pour les herbicides et de 6 % pour les semences, ce qui est bien au-delà des augmentations normales de 3 % à 5 % (figure 2).

Figure 2 : Les prix des semences et des herbicides augmentent

Graphique montrant que les prix des semences et des herbicides augmentent.

Sources : Prix des intrants de culture de l’Alberta et calculs de FAC.

Principales tendances à surveiller en 2022

Chine et Russie

Visant à freiner la production industrielle afin de réduire le smog pour les Jeux olympiques d’hiver, la politique Ciel bleu [en anglais seulement] de la Chine a un impact sur les produits de base, y compris les engrais. Après les Jeux olympiques de février 2022, tous les yeux seront rivés sur la Chine pour qu’elle intensifie sa production d’engrais et de produits agrochimiques. Cela risque toutefois d’être trop tard, vu que les épandages d’engrais commencent en mars dans les régions productrices de maïs en Amérique du Nord.

Quant à la Russie, son influence potentielle ne peut être ignorée. En plus d’être un acteur important dans le marché mondial des engrais, la Russie joue un rôle dans la production d’engrais de l’UE en fournissant à cette région environ 35 % de ses besoins en gaz naturel. Par contre, si elle impose de nouvelles restrictions à l’exportation du blé, les prix du blé et d’autres produits de base grimperont encore davantage. Cela pourrait atténuer l’impact de la hausse des prix des engrais en faisant diminuer les ratios des prix engrais-cultures. Il est attendu que les restrictions à l’exportation de la Chine et de la Russie seront maintenues pendant le premier semestre de 2022.

Prix de l’énergie

Les cours actuels des contrats à terme indiquent que les prix de l’énergie atteindront un sommet en décembre 2021 ou janvier 2022. L’évolution des prix dépendra du niveau des stocks et de la demande tout au long de l’hiver. Selon les prévisions météorologiques hivernales, le phénomène de La Niña se développera et refroidira le climat, ce qui réduira davantage les stocks d’énergie et qui soutiendra une hausse de prix.

Décisions d’ensemencement aux États-Unis en 2022 : du maïs ou du soya?

L’USDA a publié ses estimations préliminaires des superficies de cultures pour 2022 dans le cadre de ses prévisions à long terme [en anglais seulement]. Selon ces estimations, les superficies de culture du maïs, du soya et du blé en 2022 seront respectivement de 92,0 millions d’acres, de 87,5 millions d’acres et de 49,0 millions d’acres. Les décisions d’ensemencement des agriculteurs américains concernant les cultures plus petites sont également importantes compte tenu des stocks mondiaux limités. Selon l’indice d’abordabilité actuel, les prix des cultures à forte intensité d’azote, comme le maïs, pourraient entraîner une baisse des superficies des cultures, à moins que les prix du maïs augmentent afin d’assurer un meilleur équilibre. Le rapport de l’USDA sur les intentions d’ensemencement sera publié le 31 mars 2022.

En conclusion

Les décisions relatives aux superficies d’ensemencement seront difficiles en 2022. Elles reposeront en grande partie sur l’évolution des ratios des prix engrais-cultures à l’approche des semis, ainsi que sur tout problème potentiel d’approvisionnement en semences et en produits chimiques. L’approvisionnement de la plupart des produits de base demeure limité, et les prix des cultures devront peut-être grimper pour que le marché dicte la bonne combinaison de superficies de culture en 2022. Des conditions de croissance normales et des rendements conformes à la tendance devraient générer des profits pour les producteurs canadiens en 2022, et ce, malgré la hausse des prix des intrants de culture.

x.com/AndersonLeigh3
Leigh Anderson

Économiste principal

Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.

Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.