La gestion des coûts : essentielle pour protéger les marges des fabricants d’aliments et de boissons

La rentabilité repose toujours sur le maintien d’un équilibre entre la gestion des coûts et la croissance des ventes. Or en 2025, cet équilibre s’avère plus délicat que d’habitude pour le secteur agroalimentaire. Si les fluctuations météorologiques et la santé animale sont des défis bien connus qui influencent le prix des produits de base, l’incertitude politique ajoute une nouvelle couche de complexité.
Nous avons déjà vu cela auparavant. En 2017 et 2018, les tarifs douaniers sur l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre résineux ont ébranlé l’industrie. Plus récemment, des tensions géopolitiques comme la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont perturbé les marchés mondiaux des céréales. Cette année, les fabricants sont confrontés aux deux types de volatilité, naturelle et politique, ce qui rend difficile la prévision des coûts.
Malgré ces vents contraires, il y a de bonnes nouvelles, car de nombreux prix qui avaient grimpé en flèche ces dernières années se sont maintenant stabilisés. Plus tôt cette année, nous avons discuté des prévisions de ventes et de marges dans le Rapport FAC sur le secteur des aliments et des boissons 2025. Nous nous intéressons maintenant aux coûts.
Coût des affaires en 2025
Le secteur de la fabrication d’aliments et de boissons a connu des hausses importantes des coûts des marchandises vendues en 2022 et en 2023, mais ces coûts se sont depuis stabilisés, bien qu’à un niveau supérieur. Un certain répit est projeté pour 2025 et 2026, mais les coûts restent élevés (figure 1). Seule une légère hausse des ventes étant prévue en 2025, compte tenu des budgets serrés des ménages et du contexte commercial incertain, il sera crucial de se concentrer sur les coûts pour protéger les marges au cours des deux prochaines années.
Figure 1 : Les coûts des marchandises vendues se stabilisent en 2025 pour les transformateurs d’aliments et de boissons

Source : Services économiques FAC
Nous nous sommes récemment penchés sur le marché du travail, et nous avons présenté les perspectives annuelles de secteurs clés, dont les céréales et les oléagineux, les produits laitiers, les bovins et les porcs. Depuis, deux phénomènes importants ont été observés :
Le prix du bétail continue de grimper. La raison? La reconstitution du cheptel n’en est qu’à ses débuts, donc l’offre reste limitée. Par conséquent, il est peu probable que le prix des bovins gras diminue de sitôt. En outre, les nouvelles règles d’étiquetage volontaire du pays d’origine, qui doivent entrer en vigueur aux États-Unis en 2026, pourraient poser des problèmes à l’exportation de bœuf et de porc canadiens, ce qui exercerait une pression supplémentaire sur les fabricants de viande.
Le prix du canola récolté l’année dernière a grimpé en 2025, en raison d’une offre limitée et d’une forte demande d’exportation. Le crédit à la production de carburants propres proposé aux États‑Unis, plus connu sous le nom de crédit d’impôt 45Z, qui limite l’utilisation de matières premières ne provenant pas d’Amérique du Nord, pourrait faire augmenter encore plus la demande de canola canadien, mais le projet de loi n’a pas encore été approuvé. Le prix du canola pourrait donc rester élevé. En revanche, le prix du soya devrait rester bas en raison d’une offre abondante.
Cela dit, des incertitudes persistent en ce qui concerne l’enquête antidumping menée par la Chine, qui pourrait se conclure par l’imposition de tarifs douaniers sur les semences de canola canadiennes, ce qui pourrait ensuite peser sur les prix. La saison de croissance est également un facteur d’incertitude. Les conditions météorologiques des prochains mois joueront un rôle déterminant pour les niveaux de production et, par ricochet, pour les prix que les transformateurs paieront à la fin de l’année.
Trois ingrédients à surveiller en 2025
Œufs
Les transformateurs alimentaires canadiens sont confrontés à la volatilité persistante du prix des œufs, qui est attribuable en grande partie aux pressions extérieures exercées par le marché américain. Depuis janvier 2022, le prix des œufs a augmenté de plus de 400 % aux États-Unis en raison d’une épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), qui a décimé les élevages commerciaux et réduit l’offre. Si les éclosions d’IAHP n’ont pas eu des répercussions de la même ampleur sur les exploitations agricoles canadiennes, le secteur de la transformation en ressent toutefois encore les effets.
En effet, le prix de base payé par les transformateurs canadiens pour les œufs est partiellement lié à l’indice américain Urner Barry Egg Index. Alors, même si la production nationale est relativement stable, les transformateurs canadiens ont constaté des hausses de prix importantes. Depuis le début de l’année 2024, le prix de base des transformateurs au Canada a monté de 63 %, atteignant une moyenne de 2,46 $ la douzaine (figure 2).
Les cas d’IAHP commencent à diminuer aux États-Unis, et l’indice Urner Barry a chuté de 50 % depuis le début de l’année 2025. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les prix des transformateurs commencent à se stabiliser, à condition que la migration d’automne n’entraîne pas une recrudescence des cas.
Figure 2 : Les éclosions d’IAHP aux États-Unis ont des répercussions sur les prix payés par les transformateurs pour les œufs

Source : Les Producteurs d’œufs du Canada
Emballage
Dans le secteur des aliments et des boissons, l’emballage a de nombreuses fonctions. Il est essentiel pour protéger les produits et les mettre sur le marché, mais il sert également d’outil de marketing. Qu’il s’agisse de carton, de bouteilles de verre, de pellicules plastiques ou d’aluminium, ces matériaux sont indispensables à l’industrie. En 2025, les canettes en aluminium retiennent l’attention, car les tarifs douaniers en vigueur sur l’acier et l’aluminium en Amérique du Nord exercent une pression sur les coûts dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
Les tarifs douaniers devraient surtout se faire sentir dans le secteur de la fabrication de boissons. En effet, les contenants métalliques totalisent environ 6 % des coûts des produits vendus par ces fabricants. Il s’agit de leur troisième dépense en importance, juste après les salaires et les bouteilles de plastique. En fait, les fabricants de boissons constituent le plus grand groupe client du secteur canadien de la fabrication de canettes. Les fabricants d’aliments arrivent en deuxième position, comptant pour 21 % de la demande. Ensemble, ces deux secteurs représentent une proportion remarquable de 96 % des revenus du secteur de la fabrication de canettes.
En prévision des tarifs douaniers, les fabricants canadiens ont fait des réserves, comme en témoignent les importations de canettes d’aluminium, qui ont monté en flèche et dépassé, seulement dans les quatre premiers mois de 2025, le total de l’ensemble de l’année 2024. Il est logique de constituer des stocks, car les canettes en aluminium ont une longue durée de conservation par rapport à de nombreux autres intrants. Cependant, ce n’est pas une solution parfaite. Le stockage de grandes quantités de canettes nécessite beaucoup d’espace et peut s’avérer coûteux, ce qui désavantage les producteurs de petite taille ou n’ayant pas de capacité d’entreposage. Si les droits de douane restent en vigueur assez longtemps, les fabricants risquent de devoir acheter à un prix plus élevé lorsque leurs stocks seront épuisés.
Sucre
Le prix du sucre est haut depuis deux ans, ce qui a fait monter les coûts dans le secteur agroalimentaire canadien. Or, des signes de modération se profilent maintenant à l’horizon. Ce répit est en grande partie attribuable à des conditions météorologiques favorables, qui ont entraîné une hausse des prévisions de production mondiale de sucre, selon les prévisions de l’USDA de mai 2025 [en anglais seulement]. En milieu d’année, les contrats à terme mondiaux sur le sucre [en anglais seulement] ont diminué de 11,1 % par rapport à la même période en 2024, un déclin de 23,2 % par rapport au niveau de 2023.
Comme le sucre de canne brut importé représente environ 90 % du sucre utilisé pour le raffinage au Canada, la dynamique du marché mondial joue un rôle crucial dans l’évolution des prix intérieurs. La baisse de prix du sucre à l’échelle mondiale se reflète désormais dans les prix intérieurs, comme le montre l’Indice des prix des produits industriels (IPPI) publié par Statistique Canada (une mesure du prix touché par les fabricants). Après cinq années d’augmentation sur douze mois, nous prévoyons maintenant que l’IPPI des fabricants de sucre perdra environ 1,0 % en 2025, puis de nouveau 5,6 % en 2026 (figure 3).
Même si le sucre est principalement utilisé en confiserie, l’incidence de ces mouvements de prix s’étend à tous les sous-secteurs de l’industrie. Qu’il s’agisse de produits de boulangerie, de boissons ou de produits laitiers, le sucre est, d’une manière ou d’une autre, un intrant pour tous les sous-secteurs agroalimentaires. Des risques subsistent, la saison de croissance étant en cours à l’échelle mondiale, mais les prévisions actuelles offrent un répit qui est bienvenu après plusieurs années de hausse des coûts.
Figure 3 : Les prix du sucre commencent à décrocher de leurs sommets

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC
En conclusion
En 2025, les transformateurs d’aliments et de boissons évoluent dans un contexte de coûts complexe, marqué à la fois par des pressions familières et de nouvelles incertitudes. Bien que le recul du prix du sucre et la stabilisation du marché des œufs permettent un certain optimisme aux fabricants, l’évolution des politiques commerciales sur la scène mondiale ainsi que les prix élevés de l’aluminium (attribuables aux tarifs douaniers), de l’huile de canola et des bovins exigent une vigilance constante. L’approvisionnement stratégique en intrants et le renforcement de la productivité par des pratiques visant à réduire le gaspillage ou à utiliser les intrants de manière plus efficace aideront les entreprises à prospérer à un moment où la croissance des ventes est susceptible d’être mise à l’épreuve, à la fois sur le marché intérieur et les marchés d’exportation.

Économiste principale
Amanda s’est jointe à FAC en 2024 en tant qu’économiste. Spécialisée dans l’industrie agroalimentaire, elle effectue également des recherches sur la gestion de l’offre et les tendances de consommation. Amanda était auparavant à Agriculture et Agroalimentaire Canada, où elle a acquis une vaste connaissance de l’économie, des techniques et du secteur en occupant divers postes, notamment ceux de conseillère en matière de politiques, de chef de projets et d’économiste.
Amanda est titulaire d’une maîtrise en économie de l’alimentation, de l’agriculture et des ressources de l’Université de Guelph. Elle est également membre du conseil d’administration de la Société canadienne d’agroéconomie, où elle promeut les activités de rayonnement et l’importance de la recherche en agriculture et agroalimentaire.