Adopter une mentalité de PDG pour atteindre ses objectifs

La mentalité de chef d’entreprise ne se limite pas à la prise de décisions; elle sous-tend un équilibre entre les priorités de la vie personnelle et professionnelle. Elle est essentielle pour rendre les exploitations agricoles plus autonomes, indique Evan Shout, comptable professionnel agréé et directeur financier de Hebert Grain Ventures (HGV), une exploitation de céréales et d’oléagineux de 40 000 acres située à Moosomin, en Saskatchewan.
Grâce à son expertise ancrée à la fois dans l’innovation et le développement durable, M. Shout apporte des idées précieuses à l’industrie agricole. Il agit également comme consultant, accompagnateur en affaires et conférencier par l’entremise de Maverick Ag, la division de services d’experts-conseils et de gestion financière de Hebert Group. Ce groupe est le « groupe familial » et la société mère qui détient les investissements et les biens hors exploitation.
Ce n’est pas le mode de vie qui crée l’entreprise, mais l’entreprise qui définit le mode de vie.
Ayant grandi dans une région rurale de la Saskatchewan, M. Shout a vécu dans une collectivité où l’agriculture était à la fois un mode de vie et un moteur économique central. Il a acquis une compréhension approfondie de la vie agricole et une vision claire des secteurs de croissance. « Nous formons une industrie très fière, fondée sur la famille, sur l’héritage et sur le mode de vie agricole, explique M. Shout. Mais ce qui a changé, ou ce que nous avons constaté, c’est que ce n’est pas le mode de vie qui crée l’entreprise, mais l’entreprise qui définit le mode de vie. Pour les nombreux propriétaires d’exploitations agricoles qui ont intégré ce mode de vie, il est beaucoup plus difficile de pratiquer ce métier de nos jours, compte tenu de l’ampleur des coûts ainsi que des sommes élevées qui se cachent derrière chaque décision. »
Pour M. Shout, la mentalité de chef d’entreprise consiste à gérer l’exploitation comme une entreprise. Il souligne l’importance des personnes, des procédures et des processus en place qui permettent de transformer au fil du temps l’exploitation agricole en une entreprise autogérée.
Bâtir une culture de collaboration
La confiance et la capacité à déléguer sont au cœur de la philosophie de leadership de M. Shout. « J’ai plus ou moins été engagé pour alléger les tâches de Kristjan », affirme M. Shout, qui fait référence à Kristjan Hebert, président de Hebert Group et associé directeur de HGV. De nombreux agriculteurs ressentent de la culpabilité s’ils ne participent pas directement à tous les aspects de leur exploitation, de sorte qu’ils y consacrent souvent d’innombrables heures. »
La confiance en son équipe est essentielle pour surmonter cette culpabilité. « Dans le monde d’aujourd’hui, nous récompensons toujours le rendement, mais nous ne reconnaissons jamais la confiance. En agriculture, pour vaincre le sentiment de culpabilité et ne pas vous sentir interpellé 24 heures sur 24, vous devez établir la confiance. »
M. Shout insiste sur l’importance d’habiliter tous les membres d’une équipe en élaborant des mécanismes qui favorisent l’autonomie. « Pour nous, ce qui est le plus efficace, c’est d’avoir des équipes en place, ainsi que des responsables à la tête de chaque groupe, qui disposent de processus et de procédures leur permettant de résoudre 98 % des problèmes qui se posent à eux. »
« Nous sommes convaincus que s’ils ne peuvent pas gérer une situation, ils communiqueront avec nous en temps opportun », déclare M. Shout.
Le rôle du détachement émotionnel dans la prise de décisions
M. Shout insiste sur la nécessité de faire abstraction des émotions lors de la prise de décisions d’affaires importantes. « Dans une salle de réunion, on tient des discussions d’affaires », fait-il remarquer. Alors qu’à la ferme familiale, les émotions s’immiscent souvent dans la prise de décisions.
Il conseille de maintenir une communication claire et logique qui favorise la réussite à long terme de l’exploitation. M. Shout recommande l’utilisation de ressources telles que le modèle Identify, Discuss, Solve (identifier, discuter et résoudre), un outil essentiel du Entrepreneurial Operating System (système d’exploitation d’entreprise). Il est conçu pour aider les entreprises à aligner leur vision, leur stratégie et leurs activités opérationnelles en permettant aux équipes de repérer les causes profondes des problèmes, d’engager des discussions ciblées et de mettre en œuvre des solutions efficaces pour favoriser le progrès. Cette approche permet d’éviter les biais émotionnels courants dans les fermes familiales, tels que l’attachement affectif aux terres ou à l’équipement qui appartiennent à la famille depuis des années.
Mobiliser la nouvelle génération
M. Shout insiste sur l’importance de la définition claire des rôles et des responsabilités pour assurer un transfert harmonieux : « Nous savons tous et toutes que la relève et le transfert des exploitations agricoles sont des enjeux énormes, en partie parce que les responsabilités ou les rôles ne sont pas définis. Tout le monde s’occupe un peu de tout. » Pour faciliter les transferts, il encourage l’attribution de rôles clairs afin que chaque membre de la famille ait des responsabilités bien définies, ce qui permet de réduire les conflits entourant les tâches.
Les jeunes producteurs et productrices agricoles s’adaptent à l’évolution de l’agriculture en abordant les changements d’une nouvelle manière. « La technologie a grandement facilité les choses, car les jeunes la maîtrisent beaucoup mieux que les générations précédentes, explique M. Shout. Cette expertise permet de leur confier des responsabilités et des rôles différents. Ainsi, lorsqu’ils reviennent à la ferme, ils n’empiètent pas sur les responsabilités des uns ou des autres parce que les parents savent que leurs enfants sont meilleurs en agronomie, en technologie ou en marketing, et les enfants savent que leurs parents ont 30 ans d’expérience en récoltes et qu’ils savent comment faire pousser les cultures ».
Selon M. Shout, cette clarté des rôles favorise la mentalité de chef d’entreprise selon laquelle « tout le monde a ses propres responsabilités ».
Redéfinir le succès en agriculture
M. Shout constate un changement dans la définition du succès en agriculture. Le succès a souvent été mesuré en fonction du nombre d’heures travaillées. « Si vous travaillez 3 000 heures, vous réussirez, donne-t-il comme exemple. Cette mentalité a changé. »
Aujourd’hui, la réussite est un concept plus global qui valorise le temps personnel et la qualité de vie. En accordant autant d’importance à la santé mentale et physique qu’aux responsabilités agricoles, les propriétaires d’exploitations peuvent favoriser un mode de vie durable qui soutient à la fois leur travail et leur famille.
Adopter le changement pour favoriser la réussite future
« En agriculture, nous avons longtemps dit : “Nous avons toujours fait ça comme ça.” C’est une approche des plus risquées, affirme M. Shout. Je suis d’accord avec l’idée de respecter ce qui a été fait par le passé, mais nous appartenons également à une génération différente. »
M. Shout entrevoit un énorme potentiel d’innovation et de diversification pour l’avenir. « Je me souviens quand j’étais enfant — et probablement même il y a dix ans — les choses évoluaient, mais pas tant que ça. Au cours de la dernière décennie, j’ai vu des exploitations agricoles changer à un point que je n’aurais pas cru possible, que ce soit grâce à la technologie, aux données, ou simplement à la mentalité des propriétaires d’exploitations agricoles d’aujourd’hui. Quelque chose de spécial se passe en agriculture, et nous commençons à nous adapter au rythme du changement ».
Si l’on favorise une culture de collaboration, d’adaptabilité et d’engagement communautaire, l’agriculture peut prospérer dans le contexte en évolution rapide d’aujourd’hui. « Le succès ne dépend pas des mêmes critères dans chaque exploitation, conclut M. Shout. Aucune entreprise ne poursuit les mêmes objectifs. »
Vous voulez en savoir plus?
Découvrez les points de vue de M. Shout à ce sujet dans l’épisode The CEO Mindset with Evan Shout de notre balado [en anglais seulement]. Pour entendre un point de vue semblable en français, découvrez l’épisode Favoriser les synergies pour créer des occasions avec Fanny Delisle.
D’après un article de l’AgriSuccès par Emily Leeson.