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Survivre à un deuil à la ferme

5,5 min de lecture

Avec tous les avantages et les risques qu’elle comporte, l’agriculture est une véritable passion pour Janel Delage. C’est pourquoi la vice-présidente de Delage Farms Limited, une exploitation céréalière de 30 000 acres située en Saskatchewan, continue de pratiquer l’agriculture après la mort de son mari. Janel a rencontré Marc, l’amour de sa vie, au Collège d’agriculture de l’Université de la Saskatchewan. Après avoir mené une carrière agricole sans lien avec la ferme, ils ont repris ensemble l’exploitation céréalière de la famille de Marc. Ils faisaient l’acquisition de terres, ont eu un fils et adoraient la vie qu’ils avaient construite – en cultivant côte à côte. Mais voilà qu’en 2019, Marc est décédé des suites d’une maladie subite. L’avenir qu’ils avaient imaginé s’est volatilisé. Pour Janel, le deuil et la guérison sont un cheminement, mais elle se sent plus forte aujourd’hui.

La chose la plus importante, c’est mon groupe de soutien

Comme je suis très indépendante, j’ai dû apprendre à m’appuyer sur les autres et à demander ce dont j’ai besoin. Le soutien inconditionnel de mes parents me permet de me concentrer sur la ferme et de m’occuper de mon fils quand il a besoin de moi ou de bénéficier du soutien moral et des conseils de mon père. Mon beau-père est un homme d’une grande sagesse qui a une vision inébranlable de la profession d’agriculteur. Il est capable de prendre du recul et d’examiner les choses de manière analytique quand mes émotions m’empêchent de prendre de bonnes décisions. Ma belle-mère fait passer les intérêts des autres en premier et s’assure qu’ils ont de quoi manger, un toit sur la tête et qu’ils se sentent aimés.

Mes amis les plus proches nous connaissaient, Marc et moi, alors ils savent ce que je traverse. Ils me soutiennent et veillent sur moi. Je les aime d’amour, et ils m’aiment aussi.

J’ai un réseau de contacts agricoles auquel je recours régulièrement. Nous discutons franchement de nos erreurs et de nos projets. Ils me soutiennent dans mes décisions relatives à la ferme, mais ils sont aussi là pour me dire : « Allons, Janel, ce n’est pas si grave. Tu as peut-être commis une erreur, mais quels enseignements en as-tu tirés? »

L’autre groupe spécial, c’est notre équipe. Il m’arrive encore d’être triste certains jours, et même si beaucoup de nos employés n’ont pas connu Marc, ils tirent une fierté de leur travail et placent les intérêts de la ferme en priorité. Ils me soutiennent d’une manière bien particulière.

J’exprime davantage mes sentiments

La confiance a toujours été l’élément fondamental de mes relations, mais j’exprime désormais davantage mes sentiments.

Je n’ai pas besoin de tout savoir

On doit toujours s’adapter en agriculture, mais ça semble encore plus vrai aujourd’hui. Je me réserve du temps pour apprendre de nouvelles choses, mais je laisse aussi certains détails à des experts, comme notre spécialiste en immigration ou notre comptable. Ils nous aident à comprendre les répercussions de facteurs comme les changements fiscaux, ce qui me laisse le temps de réfléchir à la situation globale et de prendre les bonnes décisions sur des aspects comme la commercialisation, la gestion du risque ou les pénuries de main-d’œuvre.

J’essaie d’être plus à l’écoute. J’ai paniqué l’été dernier en constatant la sécheresse qui sévissait dans notre région. Ceux qui me soutiennent m’ont conseillé de quitter la ferme et d’arrêter de m’inquiéter. Je ne les ai pas écoutés. J’aurais dû. Parfois, il est préférable de prendre du recul, même si ça semble être la dernière chose à faire.

Je suis capable de tout faire

Quand Marc est décédé, des agents immobiliers sont venus à la ferme pour me demander si j’envisageais de vendre. Ça m’a mise en colère. J’ai dû rassurer mon équipe et dire à mes employés que nous ne vendions pas et que tout le monde avait toujours un travail. Pire encore, j’ai eu l’impression que les agents immobiliers me sous-estimaient. J’allais leur montrer de quoi j’étais capable. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle je pratique l’agriculture, mais ça m’a mise dans tous mes états. J’ai décidé que non seulement j’allais continuer, mais que j’allais réussir.

Je peux me préparer à certaines éventualités et je dois accepter le reste

Parfois, l’agriculture comporte son lot de défis. Les soubresauts de la dernière année en sont un bon exemple. Grâce aux pluies printanières, la saison s’annonçait fantastique. Puis le temps s’est asséché, et les perspectives se sont assombries. Les quelques pluies reçues par la suite ont été bénéfiques, et quand nous avons commencé à faire la moisson, nous avons constaté que tout n’était pas perdu. Puis, le 31 août, il y a eu de la grêle qui nous a fait perdre la totalité des cultures dans certains champs. Grâce à notre planification, nous nous en tirons bien du point de vue financier puisque nous avions souscrit une assurance complémentaire lorsque les prix des céréales étaient élevés, mais notre joie réside habituellement dans des silos bien remplis. Ça n’a pas été le cas cette année, et c’est difficile.

L’importance d’avoir un testament

Le temps que nous avons consacré à rédiger nos testaments a rendu cette situation un peu moins pénible. Un testament sert à rassurer les proches. Je n’ose pas imaginer comment les choses se seraient passées si nous n’avions pas pris de dispositions, même si nous pensions ne jamais avoir à vivre cette situation.

Le changement est constant

Chaque fois que nous affrontons et surmontons l’adversité, nous gagnons en force.

Chaque fois que nous affrontons et surmontons l’adversité, nous gagnons en force. La vie ne cesse d’évoluer. Les sentiments que vous éprouvez un jour ne seront pas les mêmes le lendemain. On imagine facilement que les choses se dérouleront toujours de la même façon. Ce n’est pas le cas, mais ainsi va la vie. J’arrive à continuer en tirant le meilleur de chaque journée.

On me demande parfois pourquoi je reste à la ferme. C’est que mon attachement pour cet endroit est très fort. J’adore l’agriculture. C’est si beau de planter des graines, de regarder les plants pousser, et de voir et d’apprécier le résultat des décisions prises tout au long de l’année quand arrive le temps de la moisson.

J’éprouve aussi un puissant sentiment d’admiration à l’idée que cette terre m’a été confiée afin que j’en prenne soin, pas seulement pour nous, ou pour notre fils, mais aussi pour l’avenir. Je suis si chanceuse! Et je regrette toujours que Marc ne soit plus là pour que nous réalisions notre rêve ensemble.

D’après un article de l’AgriSuccès par Janel Delage, selon le récit rapporté à Myrna Stark Leader.

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