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Retour sur 2020 au terme de cette décennie (de juillet à décembre)

17 déc. 2020
10 min de lecture

La première moitié de 2020 n’était rien d’autre qu’un choc sismique d’une magnitude que l’on ne voit qu’une fois tous les 100 ans. En juillet, tous les acteurs des secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’agroentreprise du Canada avaient compris que la « nouvelle normalité » désignait, en fait, ce qui était devenu, en grande partie, anormal. Néanmoins, en juillet et août, les nouvelles concernant la COVID-19 se sont un peu estompées tandis que l’état des cultures et la transformation de la viande ont dominé l’actualité. Les nouvelles annonçant la mise au point de vaccins efficaces étaient porteuses d’espoir tout partout. Les mois de septembre et octobre semblaient très prometteurs, malgré les preuves grandissantes du retour de la COVID-19. Puis, le mois de novembre a été tinté d’incertitude à la suite de l’élection américaine tandis que la hausse des prix des produits de base en décembre a laissé entrevoir une reprise très attendue.

Juillet

La mise à jour des scénarios économiques de la COVID-19 du directeur parlementaire du budget (DPB) indiquait que la récession de 2020 serait profonde (Figure 1). Toutefois, en juillet l’économie du Canada se portait mieux que bien des gens l’avaient prédit quelques mois auparavant.

Figure 1. Une lueur d’espoir d’une reprise économique en V

Graphique montrant une lueur d’espoir d’une reprise économique en V.

Source : Directeur parlementaire du budget.

Malgré cela, deux indicateurs fiscaux demeuraient particulièrement préoccupants. Selon les prévisions, le déficit budgétaire de 2020-2021 allait s’élever à 11,8 % du PIB, dépassant de loin le record de 8 % du PIB observé en 1984-1985. Et le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB allait atteindre 44,4 % à la fin de l’exercice financier 2020-2021, soit son plus haut niveau depuis près de 20 ans. Il aura fallu plusieurs mois avant de réaliser que ces prévisions de mi-année étaient trop optimistes. La Banque du Canada a maintenu la cible du taux directeur constant à 0,25 %, indiquant qu’elle s’attendait à ce que l’inflation demeure sous la cible de 2 % au cours des deux prochaines années.

Cela dit, il y a tout de même eu de bonnes nouvelles : l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) est entré en vigueur le 1er juillet, aidant à dissiper les craintes concernant l’état des chaînes d’approvisionnement nord-américaines. L’important accord faisait état des difficultés auxquelles font face les secteurs soumis à la gestion de l’offre. Parallèlement, il a renforcé les assises du commerce (entre autres avantages) avec un partenaire qui, selon les données de 2019, représente plus de 55 % des exportations de produits agricoles et agroalimentaires canadiens et près de 50 % des importations. 

Août

Si le flux constant de nouvelles préoccupantes a ralenti au début l’été, les nouvelles du mois d’août étaient encore meilleures. Les conditions météorologiques défavorables aux États-Unis avaient entraîné une réduction des récoltes prévues de maïs et de soya pour l’année commerciale 2020-2021. Le raffermissement des prix et une excellente récolte allaient donc avoir un effet formidable sur les recettes de cultures de 2020. Les données du deuxième trimestre avaient déjà indiqué une hausse de ces recettes.

Les usines de transformation du bœuf qui avaient dû fermer au printemps et au début de l’été fonctionnaient de nouveau à plein rendement, ce qui a incité McDonald’s à recommencer à acheter du bœuf canadien. Et bien que la dépréciation du dollar canadien ait stimulé les exportations vers la Chine et les États-Unis au début de la pandémie, le raffermissement du dollar canadien par rapport au dollar américain en baisse tout au long de l’été (Figure 2), était de bon augure pour les importateurs d’aliments, d’équipements et d’intrants. Cette vigueur ne s’est pourtant pas matérialisée partout. Le dollar canadien a continué de perdre des plumes par rapport à l’euro, conférant aux exportateurs canadiens un avantage concurrentiel par rapport aux exportateurs européens sur le marché chinois.

Figure 2 : Fluctuations du taux de change du dollar canadien (en %) depuis le 1er janvier montrant l’appréciation du CAD par rapport à l’USD ainsi que sa dépréciation par rapport à l’euro

Graphique montrant les fluctuations du taux de change du dollar canadien (en %) depuis le 1er janvier.

Source : Statistique Canada.

Septembre

D’autres bonnes nouvelles ont été annoncées en septembre. Les prix des porcs ont bondi suivant la détection de peste porcine africaine en Allemagne. Ailleurs, les prévisions de la production de la plupart des cultures au Canada ont été revues à la hausse et, pour ce qui est du blé, la récolte prévue de 2020 allait être la deuxième plus abondante récolte jamais enregistrée.

La hausse de la production a fait grimper les recettes prévues dans le cas du canola, des pois secs, des lentilles, du blé dur et du blé de printemps. Les prix des contrats à terme du maïs et du soya ont continué à augmenter, tout comme les prix futurs prévus au Canada. Les engagements à l’exportation des États-Unis vers la Chine pour 2020-2021, s’ils sont respectés, correspondraient à quatre fois le volume réel des exportations entre les deux superpuissances en 2019-2020.

Certaines nouvelles étaient nuancées ou indiquaient des résultats incertains. Par exemple, même si la production économique mondiale (en anglais seulement) s’est redressée rapidement à la suite du choc initial causé par la pandémie, la reprise s’est rapidement essoufflée.

Le rapport Valeur des terres agricoles de FAC publié en avril faisait état d’une baisse de l’abordabilité des terres agricoles. En effet, le revenu agricole n’a pas crû au même rythme que la valeur des terres agricoles en 2019. La COVID-19 n’a peut-être pas eu d’impact sur la valeur des terres pendant la première moitié de 2020, mais elle pourrait en avoir pendant la seconde moitié. La faiblesse et la chute des prix des produits de base pendant les premiers mois de la pandémie pourraient avoir affaibli la demande de terres agricoles entre janvier et juin. Toutefois, la hausse des prix et des revenus de cultures pendant la seconde moitié, jumelée aux faibles taux d’intérêt attribuables à la COVID-19, devrait stimuler la demande pour le reste de l’année.

Octobre

Comme on pouvait s’y attendre, les bonnes nouvelles de l’été se sont estompées en octobre, au moment où est survenue la recrudescence anticipée des cas de COVID-19. Même si les chaînes d’approvisionnement agricoles et agroalimentaires ont fait preuve d’une résilience remarquable pendant les neuf premiers mois, nous avons alors recommencé à surveiller les tendances et les facteurs les plus importants pour comprendre leurs nouvelles conséquences sur ces chaînes :

Des analyses effectuées ce mois-ci ont démontré que l’accroissement des exportations agricoles et agroalimentaires du Canada entre janvier et septembre n’avait guère aidé à atténuer les doutes concernant l’efficacité de l’Accord économique et commercial global (AECG), qui est l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne. Ces doutes persistent toujours. La hausse de nos exportations a été largement attribuée aux conditions météorologiques défavorables en Europe, à la demande de biodiesel et à la faiblesse du dollar canadien par rapport à l’euro plutôt qu’à l’accord commercial.

Mais il y a tout de même eu de bonnes nouvelles. La récolte de céréales de l’Ouest du Canada a été exceptionnellement rapide cette année, entraînant une hausse des livraisons des producteurs pour répondre à la demande soutenue. Parallèlement, le rapport trimestriel des stocks de céréales de l’USDA (Département de l'agriculture des États-Unis) révisait à la baisse ses estimations concernant les stocks de maïs, de soya et de blé, ce qui a fait grimper de nouveau les prix à terme. Les prix des porcs des États-Unis étaient élevés en octobre, propulsés par l’optimisme grandissant entourant les exportations américaines vers la Chine. 

En outre, la confiance des entreprises, qui était forte en janvier mais qui avait depuis chuté d’une manière fulgurante, a augmenté (Figure 3). En octobre, elle était encore négative, mais en hausse.

Figure 3 : La confiance des entreprises s’est améliorée dans toutes les régions

Graphique montrant que la confiance des entreprises s’est améliorée dans toutes les régions.

Source : Banque du Canada.

Novembre

Le mois a débuté avec une élection présidentielle américaine qui fut à l’image d’une pièce de théâtre jouée par des élèves du secondaire et ayant pour thème la trahison, la corruption et l’audace des Américains. À l’heure actuelle, à la mi-décembre, nous ne savons toujours par l’effet qu’auront les résultats de l’élection sur les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’agroentreprise dans les années à venir. Les relations commerciales que la nouvelle administration américaine entretiendra, particulièrement avec la Chine, sont sans doute l’enjeu le plus important à surveiller.

Une autre nouvelle majeure concernant le commerce qui a été annoncée en novembre aura des implications considérables pour les exportateurs canadiens. Tout d’abord, quinze pays ont signé le Partenariat régional économique global (en anglais seulement). Lorsque cet accord entrera en vigueur, les exportations de céréales et de bœuf canadiens feront face à une plus forte concurrence en provenance de l’Australie. En revanche, le Canada et le Royaume-Uni ont conclu un accord commercial provisoire d’après Brexit, lequel maintiendra les dispositions de l’AECG et permettra à 98 % des produits canadiens exportés vers le Royaume-Uni d’éviter des droits de douane.

Enfin, le secteur agricole a évité certaines des pires conséquences que la COVID-19 a eues sur les entreprises au cours de l’automne. Entre autres, le retard accumulé des abattages de bovins (en anglais seulement) a chuté d’environ 50 000 têtes entre juin et octobre, aidé par une baisse encore plus rapide aux États-Unis. De plus, un nouveau rapport sur les prix publié par Statistique Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoyait que certaines des plus importantes cultures de céréales et d’oléagineux allaient générer en 2020 près de deux milliards de dollars de plus qu’elles ont générés en 2019, ce qui représente une hausse plutôt spectaculaire de 7,5 %.

Décembre

Les chaînes d’approvisionnement locales et mondiales ont été à la fois robustes et fragiles cette année. Par exemple, la forte demande de la Chine et les inquiétudes concernant la production en Europe, dans la région de la mer Noire et en Amérique du Sud ont fait grimper les prix des céréales, des oléagineux et des légumineuses. Les prix à terme du canola ont presque atteint 600 $ la tonne à la mi-décembre, ce qui diffère radicalement du creux de 2020 atteint en février, lequel était de 446 $. Les prix à terme du soya ont frôlé les 12 $ US le boisseau au début du mois, une hausse importante par rapport au creux de 8,22 $ US enregistré à la mi-mars. Les prix à terme du maïs américain étaient de 30 % plus élevés qu’ils l’étaient en avril. Les prix des bovins demeurent inférieurs à leur moyenne quinquennale, mais les prix du porc ont rebondi par rapport à leurs creux observés pendant l’été.

La plupart des signaux économiques laissent entrevoir une reprise. Toutefois, même si nous allons bientôt clore une année incroyablement éprouvante, de nombreuses difficultés auxquelles nous avons dû faire face persistent toujours. Trois forces – les tensions géopolitiques, les phénomènes météorologiques défavorables causées par les changements climatiques et le virus mortel mondial – qui ont mis en évidence les risques auxquels les chaînes d’approvisionnement agroalimentaire ont fait face en 2020 seront de retour en 2021. Nous explorerons ces trois forces dans nos deux premiers billets de janvier.

Au moment où les approbations de vaccins se multiplient mondialement et qu’elles ravivent l’espoir d’un relâchement des mesures de confinement, nous aimerions prendre un moment pour souligner le travail des secteurs canadiens de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’agroentreprise. Nous avons survécu à une année marquée par des pertes dévastatrices, une incertitude absolue et des perspectives sombres, et certains ont même prospéré. Ce succès est attribuable à la vigueur et la résilience des secteurs que nous, à FAC, servons. À tous, joyeux Noël et bonne année!

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.