Un parc relativement récent pourrait permettre de reporter l’achat d’équipement agricole dans ce contexte de tarifs douaniers

Les perturbations du commerce mondial posent d’importants problèmes à l’agriculture canadienne. Les entreprises préfèrent la stabilité, mais les changements tarifaires constants créent de la confusion et rendent la planification difficile. En plus, l’ampleur des conséquences des droits de douane est encore difficile à évaluer. L’exemption des tarifs douaniers généraux de 10 % au titre de l’ACEUM et le report de 90 jours des tarifs douaniers réciproques des États-Unis ont apporté un certain répit au secteur agricole.
Toutefois, les fabricants d’équipement agricole continuent de faire face à de nombreuses incertitudes. En dehors de l’industrie automobile, peu de gens savent que les tarifs sur l’acier et l’aluminium sont déjà en vigueur. Par ailleurs, il peut être complexe de respecter les règles de l’ACEUM pour les pièces et les composantes utilisées dans la fabrication.
Le Canada dispose d’un solide secteur de fabrication d’équipement agricole, qui est essentiellement un créneau, mais la majeure partie de l’équipement provient des États-Unis. La guerre commerciale entre les États‑Unis et la Chine a considérablement augmenté le coût des composantes en provenance de la Chine, ce qui suscite de l’incertitude au sein du secteur de la fabrication d’équipement agricole. Cette situation soulève des inquiétudes quant à la disponibilité et au coût des équipements nécessaires cette année, mais aussi dans les années à venir.
Tarifs sur l’acier et l’aluminium
La mise en œuvre des tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium visait principalement à stimuler la production d’acier aux États-Unis, dans l’objectif de monter l’utilisation de la capacité à plus de 80 % (figure 1). Ces tarifs ont d’importantes répercussions sur le secteur de l’équipement agricole. Lorsque les droits de douane augmentent les coûts des matières premières comme l’acier et l’aluminium, le prix des nouveaux équipements prend la même direction. Cette augmentation influe sur la demande d’équipements agricoles et a des ramifications plus vastes pour les agriculteurs et les fabricants.
Figure 1 : Taux d’utilisation de la capacité de production de fer et d’acier aux États-Unis encore inférieur à la cible

Source : Données de la Réserve fédérale américaine de St. Louis
La bonne nouvelle, c’est que l’incidence sur les prix des équipements pourrait ne pas être immédiate pour la plupart des équipements nécessaires au cours de la présente campagne agricole, car les fabricants se sont déjà procuré les matières premières et achètent habituellement l’acier dans le cadre de contrats à prix fixe. Toutefois, ils devront tôt ou tard négocier de nouveaux contrats. Actuellement, les fabricants d’équipements adoptent une approche attentiste, ce qui entraîne un certain ralentissement de la production dans l’espoir d’une entente commerciale. Ils réduisent leur production afin d’éviter les stocks d’équipements excédentaires et de gérer les coûts de production. Les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium risquent d’avoir des effets différents selon les catégories d’équipement, en fonction de la provenance de l’acier et des composantes.
Gestion de la conformité à l’ACEUM dans un contexte mondial complexe pour la fabrication des composantes
Les fabricants doivent certifier l’origine des composantes pour demander un traitement tarifaire préférentiel. Il s’agit d’une documentation détaillée prouvant que l’équipement respecte les règles de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique relatives à l’origine. Pour la plupart des pièces, il n’est pas possible de respecter les exigences de l’ACEUM.
Les équipements agricoles nouvellement fabriqués comprennent souvent des composantes telles que des semi-conducteurs ou d’autres composantes électriques importées d’autres pays, dont la Chine. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a considérablement fait grimper le coût de ces composantes. De nombreuses pièces, comme les systèmes hydrauliques, les courroies et les roulements, proviennent de l’étranger.
Les droits de douane, qu’ils soient liés à l’acier, à la non-conformité à l’ACEUM ou à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, feront grimper les coûts pour les fabricants, même pour l’équipement presque prêt à livrer et à utiliser cette année. Le secteur canadien de l’équipement agricole était déjà confronté à une baisse de la demande en raison des prix élevés des équipements et d’une diminution de la rentabilité des exploitations agricoles. Le contexte actuel des tarifs douaniers ainsi que les perturbations commerciales continueront d’entraver le marché de l’équipement agricole et d’exercer une pression sur les précommandes pour 2026.
Déclin des nouvelles commandes et pivotement de la demande vers les équipements d’occasion
La communauté agricole était déjà préoccupée par le coût de l’équipement à l’acre avant que les perturbations commerciales ne viennent s’ajouter à ses préoccupations. Dans les deux premiers mois de l’année, les ventes d’équipements agricoles ont diminué de 18,4 % aux États-Unis et de 5,7 % au Canada. L’incertitude dissuade les exploitations agricoles canadiennes d’acheter de nouveaux équipements, ce qui entraîne une réduction des précommandes. Elles préfèrent donc entretenir leur équipement actuel et investir dans de la machinerie usagée. Il est probable qu’elles repoussent les achats de nouveaux équipements jusqu’à ce que les problèmes de tarifs soient résolus, ce qui stimulera la demande et le prix de la machinerie agricole d’occasion.
Âge du parc d’équipement agricole au Canada
La hausse des prix des équipements agricoles attribuable aux perturbations commerciales agira sur les décisions concernant leur remplacement. La baisse de la demande d’équipements agricoles aura une incidence sur l’âge du parc canadien. Toutefois, le parc d’équipement devrait pouvoir supporter un recul des ventes à court terme, puisque son âge estimé se trouve actuellement à son plus bas niveau depuis plusieurs années pour la plupart des types d’équipement (figure 2). À plus long terme, il sera nécessaire d’investir dans la modernisation du parc d’équipements au Canada.
Figure 2 : Durée approximative du cycle de remplacement de l'équipement agricole neuf

* L’âge estimé du matériel agricole est calculé en utilisant une moyenne mobile des ventes sur cinq ans par rapport aux ventes sur dix ans pour estimer la durée du cycle de remplacement.
Sources : Association of Equipment Manufacturers (AEM) et calculs de FAC
Tendances à surveiller
1. Perspectives des tarifs douaniers et des ententes commerciales potentielles
Il est essentiel de surveiller la durée des tarifs douaniers, en particulier après la pause de 90 jours. La conclusion d’un accord commercial d’ici le 9 juillet 2025 n’est pas garantie, notamment pour l’acier et l’aluminium. En effet, les droits de douane américains imposés en 2018 sur l’acier et l’aluminium ont duré onze mois avant d’être supprimés.
2. Revenus agricoles
Depuis le début de l’année, il est difficile de prévoir les prix auxquels se vendront les récoltes et les revenus qu’elles produiront. La rentabilité diminue à cause des perturbations commerciales actuelles, ce qui affecte les prix et les coûts des produits de base. Même sans les tarifs douaniers, les projections de rentabilité semblent déjà serrées pour l’année. La volatilité des prix persistera tant que les perturbations commerciales dureront. Cette année, les prix sont davantage influencés par les politiques géopolitiques que par l’offre et la demande, et ces politiques peuvent changer rapidement. La bonne nouvelle, c’est qu’avec cette volatilité, les agriculteurs auront la possibilité d’obtenir des prix plus élevés.
3. Décisions stratégiques en matière de remplacement – accent sur l’équipement fabriqué au Canada
Si elle est perturbée, la mise à niveau annuelle des équipements dans certaines exploitations pourrait connaître des problèmes à long terme. Les concessionnaires et les fabricants canadiens pourraient tirer profit de la promotion des équipements fabriqués au Canada, qui pourraient moins souffrir des tarifs douaniers si davantage de composantes et d’acier canadiens sont utilisés. Les entreprises agricoles doivent évaluer de manière stratégique leurs propres besoins en équipement afin de minimiser les perturbations de leur cycle de remplacement. Les concessionnaires peuvent aider à trouver les équipements dont les coûts de fabrication ont le moins augmenté pour assurer un remplacement cette année.
En conclusion
L’équipement en cours de fabrication et utilisé au cours de la présente campagne agricole pourrait coûter plus cher en raison des tarifs imposés sur les composantes, qui ont une incidence sur l’ensemble des dépenses de fabrication. Toutefois, ce sont les modèles de 2026 en matière d’équipement qui sont les plus incertains en ce moment. Tout le secteur attend avec impatience la fin de l’incertitude et des perturbations commerciales.
Économiste principal
Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.