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Ratio de couverture du service de la dette : mesure de la stabilité de la santé financière agricole

26 mars 2019

Bien des choses ont changé en un an. Les coûts d’emprunt ont grimpé en 2018 par rapport à leur creux historique d’il y a un an. Pendant la même période, les recettes des entreprises agricoles ont stagné à l’échelle nationale. Tout au long du mois de mars, l’équipe des Services économiques de FAC analysera l’évolution de ces données financières et plus encore. Revenez nous lire chaque semaine pour suivre l’évolution de l’agriculture canadienne et apprendre comment les principaux outils financiers peuvent vous aider à garder une longueur d’avance. 

Une fois de plus, la dette agricole en cours a grimpé en 2018 et cette hausse lui a sans doute permis de franchir la barre des 100 milliards de dollars. Le taux de croissance de la dette (5,0 %) pourrait donner matière à réflexion. 

Tout d’abord, la dette agricole a augmenté tandis que les recettes agricoles ont stagné dans de nombreux secteurs. De plus, à mesure que le niveau de la dette agricole grimpait globalement, les taux d’intérêt – et par conséquent les coûts d’emprunt – augmentaient également. Ceci a exercé une pression sur le fonds de roulement. L’augmentation du coût des intrants n’a pas aidé. Ces hausses ont non seulement entraîné une baisse de la rentabilité en 2018, elles joueront également un rôle déterminant en 2019.

J’utilise le ratio de couverture du service de la dette (RCSD), qui est une mesure clé de la santé financière de l’agriculture canadienne, pour comprendre dans quelle mesure les producteurs ont pu rembourser leurs dettes dans les périodes de fluctuation du revenu ou de hausse de taux d’intérêt. Nous avons récemment connu les deux situations.

Ratio de couverture du service de la dette (RCSD)

Le RCSD mesure les liquidités dont dispose une exploitation pour honorer ses obligations au titre du service de la dette. 

RCSD = Revenu / service de la dette

Le revenu représente le revenu agricole net (recettes agricoles après impôt moins les dépenses d’exploitation avant paiement des intérêts) plus les revenus extérieurs et autres. Le « service de la dette » comprend toutes les obligations au titre de la dette dans une année, y compris la dette à court terme et la tranche à court terme de la dette à long terme (les versements de capital du prêt exigibles au cours des 12 prochains mois ou la tranche à court terme des paiements de location, par exemple) plus les intérêts.

Fonctionnement

Un RCSD de 1,5 indique que les liquidités dont dispose une exploitation pour honorer des obligations au titre de la dette représentent une fois et demie le montant total exigible. Un ratio inférieur à 1 indique une incapacité à compter sur le revenu monétaire net et le revenu extérieur pour assurer le service de la dette. 

Si le RCSD est trop bas, la ferme peut avoir du mal à rembourser les sommes dues uniquement grâce à ses recettes. Un ratio de couverture du service de la dette trop élevé n’est pas optimal non plus. Si ce ratio est peut-être le signe que l’exploitation n’a pas besoin de s’endetter pour produire un revenu, il peut également indiquer que l’exploitation ne tire pas profit des débouchés du marché.

Mise en garde

Le RCSD peut être calculé à l’aide de différentes formules de revenu et de service de la dette. Je vous recommande de comparer différents ratios uniquement au sein d’un même secteur au fil du temps.

Comprendre la dette agricole en cours

La dette agricole canadienne a crû en moyenne de 6,5 % chaque année entre 2013 et 2017 et elle dépasse maintenant les 100 milliards de dollars. Or, aucune de ces données ne m’inquiète si le revenu agricole continue de croître suffisamment pour assurer les paiements du service de la dette, couvrir les coûts de production et, au fil du temps, accroître les capitaux propres. C’est toujours valable même lorsque la dette progresse plus vite que le revenu, ce qui, je crois, risque d’être le cas en 2019. 

Pour comprendre l’importance de la dette agricole en cours, nous devons examiner le revenu et voir comment les tendances du revenu seront en mesure de suivre les tendances des obligations au titre de la dette. On estime que les recettes agricoles du Canada totalisaient 61,4 milliards de dollars en 2018. Elles ont grimpé de 11 % entre 2013 et 2017, contribuant ainsi à accroître le revenu monétaire net de 16 % pendant la même période. Cela a permis au RCSD moyen des fermes laitières, porcines, bovines et de céréales et d’oléagineux* de se maintenir dans une fourchette acceptable entre 2013 et 2017 (figure 1).

Figure 1 : La hausse du revenu net maintient le ratio moyen de couverture du service de la dette dans une fourchette acceptable pour tous les secteurs

Ratio moyen de couverture du service de la dette pour les fermes laitières, porcines, bovines et de céréales et d'oléagineux de 2013 à 2017

Source : Données du portefeuille de FAC

La vigueur du revenu permet de contrer la volatilité

Entre 2013 et 2017, chaque secteur a maintenu un score moyen largement supérieur au seuil correspondant à un RCSD solide. Le secteur des fermes laitières a affiché le plus bas ratio chaque année, mais la régularité avec laquelle le secteur est capable d’honorer ses obligations au titre de la dette reflète sa structure unique de dette par rapport au revenu. Les producteurs de céréales et d’oléagineux ont connu cinq années de forte croissance de leur revenu, ce qui a fait grimper leur ratio moyen à 1,91 pour la période. Le secteur de l’élevage était également vigoureux, même si la chute des prix de 2016 a fait baisser les recettes et diminué le RCSD en deçà du ratio moyen de 1,87 enregistré entre 2011 et 2015.

Le secteur porcin a connu un meilleur sort en 2014, année où les stocks aux États-Unis se sont vus réduits et les prix ont grimpé en raison du virus de la diarrhée épidémique porcine, pour ensuite se rapprocher davantage de la moyenne de 2009 à 2013. Le RCSD moyen a été ferme pendant toute la période, mais la volatilité qui a caractérisé une si grande partie de l’année 2018 sera à l’origine de difficultés en 2018 et 2019. Les recettes porcines devraient avoir chuté de 11 % en 2018, baisse attribuable à l’imposition de tarifs douaniers sur les exportations de porc des États-Unis vers la Chine, ce qui a entraîné un recul des prix nord-américains. 

Le secteur porcin devrait demeurer bien positionné pour respecter ses obligations au titre de la dette en 2019, même avec la baisse probable du ratio de couverture du service de la dette.

Que réserve l’avenir?

La volatilité des prix et la hausse des coûts d’emprunt peuvent accroître le risque financier. Nous avons connu les deux en 2018, et ce phénomène risque de se répéter pour plusieurs secteurs en 2019. Or, si l’augmentation des taux d’intérêt et les fluctuations des revenus peuvent nuire à la capacité d’honorer ses obligations au titre de la dette, l’agriculture canadienne est, dans l’ensemble, bien placée pour affronter d’éventuels ralentissements. 

Les producteurs porcins du Canada pourraient notamment bénéficier d’un répit en 2019. Même si la Chine et les États-Unis ne parviennent pas à un accord commercial qui éliminerait les tarifs de rétorsion, l’éclosion de peste porcine africaine qui a entraîné une liquidation du cheptel porcin en Chine pourrait forcer les acheteurs chinois à accroître considérablement leurs importations de porc cette année, une mesure qui fera presque à coup sûr grimper les prix et soutiendra le revenu.

Comme c’est le cas pour chaque ratio présenté dans le cadre de cette série de billets, le RCSD représente seulement un point de vue de la santé financière de l’agriculture canadienne. L’utilisation combinée de différents ratios nous permet d’avoir une vue d’ensemble de la situation. En outre, l’utilisation du RCSD moyen comme nous l’avons fait dans ce billet ne brosse pas un tableau complet de la situation, car il reflète les exploitations ayant récemment fait des investissements dans la production (affichant par le fait même un RCSD moins élevé) et les exploitations plus matures dont les niveaux d’endettement sont plus bas (affichant un ratio plus élevé). Travaillez avec votre prêteur et votre comptable pour déterminer les ratios suggérés pour votre secteur d’activité et assurez-vous de les comprendre en fonction de votre propre stratégie et des risques auxquels votre entreprise est exposée. 

* Cette analyse est fondée sur les données du portefeuille de FAC (2013-2017). 

Savez-vous utiliser sans difficulté les états financiers pour améliorer la gestion de votre exploitation? Il serait judicieux de commencer par consulter votre comptable ou un directeur des relations d’affaires de FAC.

x.com/jpgervais
Jean-Philippe Gervais

Vice-président et économiste en chef

Jean-Philippe Gervais est vice-président et économiste en chef à FAC. Ses conseils aident à orienter la stratégie et à surveiller le risque à l’échelle de la compagnie. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l’industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos ainsi que dans le blogue des Services économiques de FAC.

Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe est l’ancien président de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économie de l’Université d’Iowa State en 1999.