Perspectives pour le secteur porcin en 2025 : la reprise est menacée par les barrières commerciales possibles

Quand on se penche sur l’année à venir et qu’on fait fi des influences extérieures, les perspectives semblent bonnes pour le secteur porcin canadien en 2025. En effet, les prix à terme du porc sont élevés, les exportations de porcs de marché et de porcelets sevrés ont afflué vers les États-Unis et les coûts des aliments pour animaux ont diminué par rapport à il y a quelques années, ce qui se traduit par une amélioration des marges. Toutefois, la demande intérieure continue de diminuer, et la double menace des tarifs douaniers et de l’étiquetage volontaire du pays d’origine demeure présente. Ces questions ayant déjà fait couler beaucoup d’encre, nous examinerons plutôt l’évolution des marges en cas d’entrée en vigueur des tarifs douaniers et la progression de la demande canadienne et mondiale de porc.
L’affaiblissement du dollar canadien et la vigueur des prix à terme du porc aux États-Unis contribuent à l’augmentation des prévisions de prix pour l’année à venir pour les producteurs et les productrices du Canada, qui se situent au-dessus de la moyenne quinquennale (tableau 1). Toute nouvelle dépréciation du huard ferait non seulement grimper le prix obtenu par les entreprises porcines, mais pourrait également faire augmenter le coût des céréales fourragères. Nous estimons qu’un recul de 1 % du dollar augmente les recettes monétaires des exploitations porcines d’environ 0,6 %. Les prévisions de prix de base ne tiennent pas compte de l’incidence d’éventuels tarifs douaniers.
Tableau 1 : Les prix du porc restent élevés au mois de juillet pendant toute la période de prévision
Prix du bétail | 2024 | 2025 | 2025 | Moyenne sur 5 ans |
---|---|---|---|---|
Porc de marché de l’Ontario ($/kg) | 2,40 | 2,70 | 2,45 | 2,30 |
Porc d’engraissement de l’Ontario ($/tête) | 100 | 110 | 100 | 95 |
Porc de marché du Manitoba ($/kg) | 2,35 | 2,60 | 2,35 | 2,20 |
Porc d’engraissement du Manitoba ($/tête) | 95 | 105 | 95 | 90 |
Porcelet sevré ($/tête) | 60 | 65 | 60 | 55 |
Sources : Statistique Canada, AAC, USDA, CME Futures et calculs effectués par FAC
Si les États-Unis imposent des tarifs douaniers de 25 % sur les porcs canadiens, nous prévoyons une baisse des prix des porcs d’environ 10 % par rapport aux prévisions de base pour l’année à venir (comme l’indique la colonne 3 du tableau 1). Malgré cette réduction, les prix moyens resteraient comparables à ceux de l’année dernière et demeureraient supérieurs à la moyenne sur cinq ans. Cela dit, les entreprises qui ont récemment augmenté leur dépendance à l’expédition de porcs vivants vers le marché américain seraient plus touchées que celles qui se consacrent principalement au marché canadien de l’abattage, un marché déjà près de sa capacité maximale. Depuis 2017, l’abattage de porcs dans les établissements agréés par le gouvernement fédéral n’a augmenté que de 1 %, alors qu’au Québec et dans les régions de l’Atlantique, les taux d’abattage ont diminué de 16 %.
Les marges du porc bénéficient du coût des aliments pour animaux qui est inférieur aux moyennes sur cinq ans
En l’absence de tarifs, les marges dans le secteur porcin s’annoncent positives cette année grâce à des prix élevés et à des coûts d’aliments pour animaux maintenant inférieurs aux moyennes des cinq dernières années, ce qui permet aux exploitations de naissage-engraissage du Manitoba et de l’Ontario d’afficher leurs meilleures marges en cinq ans. Cependant, si le prix du porc au Canada chute de 10 % en raison des tarifs, les marges reculent rapidement jusqu’à frôler le seuil de rentabilité. L’orge fourragère au Manitoba et le maïs en Ontario devraient être en légère hausse par rapport à l’année dernière, mais devrait demeurer en dessous de la moyenne quinquennale (tableau 2).
Tableau 2 : Le coût des aliments pour animaux est désormais inférieur à la moyenne quinquennale
Coût des aliments pour animaux | 2024 | 2025 | Moyenne sur 5 ans |
---|---|---|---|
Orge fourragère (Man.) | 230 | 240 | 275 |
Maïs (Ont.) | 225 | 235 | 265 |
La consommation canadienne de porc a chuté au cours des trois premiers trimestres de 2024
Si les termes « demande » et « consommation » sont souvent utilisés de manière interchangeable, ils ont en réalité des significations différentes. La demande désigne ce que les consommateurs et les consommatrices préfèrent acheter, tandis que la consommation désigne ce qu’ils et elles achètent réellement. Ainsi, une baisse de la consommation n’équivaut pas nécessairement à une diminution de la demande. Il est possible de déterminer la demande en tenant compte des répercussions sur les prix, y compris les effets de substitution et de revenu, ce qui est exactement l’objectif des indices de la demande mis au point par FAC.
La demande de porc a toujours été inférieure à la consommation, ce qui indique que la population l’achète probablement comme viande de substitution moins chère que le bœuf et le poulet, et pas nécessairement en raison d’une préférence marquée pour le porc (figure 1). La consommation et la demande de porc étaient toutes deux en baisse avant le troisième trimestre de 2024, mais ce recul s’est accéléré au cours du trimestre, car l’inflation du prix du porc a dépassé celle du poulet, ce qui l’a rendu moins attrayant pour les gens. La baisse de la consommation de porc est particulièrement marquée, de l’ordre de 7 % par rapport au T2 et d’environ 12 % sur douze mois.
Figure 1 : La demande de porc au Canada diminue

Source : Statistique Canada, AAC, calculs effectués par FAC
La baisse de la consommation de porc au Canada représente un défi pour une industrie qui tente de se remettre de plusieurs années de baisse des revenus et de marges, en particulier compte tenu de l’imposition potentielle de tarifs douaniers par les États-Unis. Les États-Unis sont le plus important partenaire commercial du Canada pour les porcs vivants et les produits à base de porc. La demande mondiale de porc pourrait-elle compenser la faiblesse apparente de la demande canadienne et la baisse éventuelle de nos exportations vers les États-Unis?
La consommation mondiale de porc augmente, bien que lentement
La Chine, le plus grand marché de porc au monde, a atteint un plateau en matière de consommation, qui n’a augmenté que de 3 % depuis 2018 (figure 2). Selon l’USDA, les importations chinoises de porc devraient augmenter de 8 % cette année, bien qu’il s’agisse du deuxième volume le plus bas depuis 2015. La Chine, avec son cheptel porcin modernisé, a atteint un niveau proche de l’autosuffisance et produit presque tout le porc consommé au pays.
Figure 2 : La consommation mondiale de porc est en légère hausse depuis 2018

Source : PSD de l’USDA
À l’échelle mondiale, la consommation de porc a augmenté de 2 % au cours de la même période. D’autres marchés, en revanche, ont connu une croissance encore plus forte. Par exemple, la demande au Mexique a grimpé de 33 % au cours de cette période, tandis que celle en Corée du Sud a progressé de 13 %. La croissance de la consommation des deux pays est en partie attribuable à l’augmentation de la production intérieure, mais aussi à l’augmentation des importations, notamment en provenance du Canada.
Les exportations canadiennes de porc ont augmenté en 2024, mais le risque d’exposition aux États-Unis reste important
L’industrie porcine canadienne est tributaire des exportations, puisque plus de 60 % de notre production porcine est exportée. Les entreprises canadiennes de transformation du porc exportent en moyenne plus d’un million de tonnes de produits de porc à l’échelle mondiale et ont vendu 2 % de plus aux marchés internationaux en 2024 comparativement à la moyenne sur cinq ans (tableau 3). Le Japon, le Mexique et la Corée du Sud sont trois marchés où le Canada a augmenté de plus de 10 % ses ventes au cours de l’année.
Tableau 3 : Les exportations canadiennes de porc ont augmenté en 2024 par rapport à la moyenne sur cinq ans
Tonnes | Moyenne quinquennale (2019-2023) | Tendance par rapport à la moyenne quinquennale |
---|---|---|
É.-U. | 270 158 | 3 % |
Japon | 200 498 | 24 % |
Mexique | 118 187 | 33 % |
Chine | 262 363 | -57 % |
Philippines | 77 861 | 8 % |
Corée du Sud | 43 539 | 75 % |
Reste du monde | 106 871 | 28 % |
Total | 1 079 478 | 2 % |
Le quart des exportations de porc du Canada sont destinées aux États-Unis, ce qui représente une part importante des exportations qui pourraient être soumises à des tarifs douaniers au cours de l’année à venir. Pour maintenir des volumes d’exportation semblables vers les États-Unis en cas de conflit commercial, les exportateurs canadiens pourraient être amenés à réduire leurs prix sur le marché américain. Par ailleurs, une dépréciation du dollar canadien pourrait rendre les exportations plus concurrentielles. Le Canada pourrait également développer d’autres marchés tels que le Mexique et la Corée du Sud, qui pourraient à leur tour imposer des tarifs douaniers sur le porc américain.
En conclusion
Ce qui s’annonçait comme une bonne année pour les productrices et les producteurs de porcs, grâce à la hausse des prix et à la baisse du coût des aliments, est maintenant menacé par l’évolution de la politique commerciale des États-Unis. Les tarifs douaniers américains, s’ils entrent en vigueur, sont susceptibles de diminuer le prix des porcs, ce qui comprimerait les marges des élevages porcins. La règle de l’étiquetage volontaire du pays d’origine à venir aux États-Unis représente un autre défi à relever pour les exportateurs canadiens. Les entreprises qui exportent leurs produits ont donc tout intérêt à se diversifier à l’échelle mondiale et à tirer parti de la forte demande mondiale de porc, alors qu’elles cherchent à compenser les dommages causés par les barrières commerciales américaines.

Économiste principal
Justin Shepherd est économiste principal à FAC. Lorsqu’il s’est joint à l’équipe en 2021, il se spécialisait dans la surveillance de la production agricole et l’analyse des tendances de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Justin participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Il a grandi dans une ferme mixte en Saskatchewan et il est toujours actif au sein de l’exploitation agricole familiale. Justin est titulaire d’une maîtrise en économie appliquée et gestion de l’Université Cornell, ainsi que d’un baccalauréat en agroentreprise de l’Université de la Saskatchewan.