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Perspectives du marché de l’entreposage frigorifique : la demande est difficile à prévoir en raison de la volatilité liée à la COVID

23 févr. 2022
7,5 min de lecture

Le paysage canadien de l’entreposage frigorifique avant la COVID était en plein essor grâce à une demande stimulée principalement par les tendances des marchés alimentaires national et internationaux. Depuis 2019, la croissance rapide de l’industrie pharmaceutique et le rehaussement des normes de salubrité alimentaire ont conduit à une augmentation de la capacité d’environ 8 %.

Certains analystes s’attendent à ce que la taille du marché nord-américain de l’entreposage frigorifique [en anglais seulement] atteigne 86,5 milliards de dollars US d’ici 2028. Cela correspondrait à un taux de croissance annuel composé de 10,7 %. Tandis que nous approchons d’une troisième année de pandémie, la question est de savoir comment le bouleversement entraîné par la COVID a influencé le marché de l’entreposage frigorifique.

Même si l’accroissement du commerce des produits alimentaires canadiens (par exemple, la viande et les légumes) est aussi susceptible d’influencer la demande d’entreposage frigorifique, nous savons que la COVID-19 a modifié les tendances nationales et mondiales de consommation alimentaire. Au Canada comme ailleurs, la pandémie a amplifié la préférence des consommateurs pour les aliments frais et locaux, et elle a stimulé la croissance des modèles d’achat en ligne.

La demande d’entreposage frigorifique était en hausse avant la COVID

Le marché de l’entreposage frigorifique a crû de façon considérable au cours des trois ou quatre dernières années grâce à la croissance de la population et aux préférences grandissantes des consommateurs pour les aliments frais, périssables et sensibles à la température.

La demande s’est reflétée dans les taux de location des installations, qui suivaient une tendance à la hausse. Étant donné que les entrepôts frigorifiques sont habituellement construits pour un locataire en particulier, la durée des baux est généralement longue. Les locataires peuvent sous-louer de l’espace à d’autres entreprises, mais ces caractéristiques de l’industrie limitent l’espace d’entreposage disponible pour les entreprises nouvelles ou en expansion. Cette situation est aggravée par les coûts de démarrage élevés, y compris pour la construction d’un nouvel entrepôt frigorifique, dont le coût varie entre 325 $ et plus de 450 $ le pied carré. Ces contraintes, conjuguées aux frais de service élevés pour les installations, peuvent dissuader les petites entreprises de se lancer dans l’entreposage frigorifique.

La croissance du commerce des aliments réfrigérés a ralenti récemment

Les secteurs agroalimentaires canadiens se sont fixé des objectifs d’exportation ambitieux à atteindre d’ici 2025. Grâce à la demande mondiale vigoureuse et aux prix plus élevés, la valeur des exportations agroalimentaires canadiennes a atteint 81,2 milliards de dollars en 2021. Les volumes globaux des exportations alimentaires canadiennes ont aussi augmenté entre 2015 et 2020 : les exportations de graisses et d’huiles (SH15) ont crû à un rythme annuel moyen de 5,6 % et les exportations de viande (SH02), à un rythme annuel moyen de 4,9 %. Si les objectifs d’exportation plus ambitieux ont entraîné une augmentation de la capacité de production et un besoin accru d’espace d’entreposage frigorifique, la volatilité des importations et des exportations pourrait créer des périodes de sous-utilisation et de surutilisation de la capacité d’entreposage.

Toutefois, il semble que la pandémie a entraîné un renversement général de la tendance quinquennale (2015-2019) des exportations d’aliments réfrigérés (figure 1). La première année de la pandémie de COVID était très différente des cinq années précédentes. Et la deuxième année a été très différente de la première pour les principales catégories d’exportation d’aliments réfrigérés du Canada.

Figure 1 : Les exportations canadiennes d’aliments réfrigérés (en kilogrammes) fluctuent durant la pandémie

Graphique montrant que les exportations canadiennes d’aliments réfrigérés (en kilogrammes) fluctuent durant la pandémie.

Source : Le commerce international de marchandises du Canada

Le bouleversement des tendances nationales et mondiales de la consommation alimentaire provoqué par la COVID a touché les catégories d’exportation d’aliments réfrigérés plus durement que les exportations de graisses et d’huiles (SH15), principale catégorie d’exportation d’aliments secs du Canada (et troisième catégorie d’exportation alimentaire en importance). En 2020, les exportations de graisses et d’huiles étaient comparables à la moyenne des cinq années précédentes. Même si les exportations ont chuté en 2021, ce renversement de tendance résultait uniquement d’une diminution des exportations d’huile de canola, précipitée par la sécheresse qui a décimé la récolte de canola en 2021.

En 2020, la demande d’exportation plus vigoureuse a fait croître les expéditions de viande de 13 % en glissement annuel, tendance qui s’est renversée en 2021. Parallèlement, la demande d’exportation de produits de la viande d’origine non aquatique1 (p. ex., les saucisses et les viandes préparées) n’a atteint un sommet que durant la deuxième année de la pandémie. Le Canada, qui figure parmi les plus grands exportateurs mondiaux de fruits congelés (en volume), a enregistré une croissance annuelle moyenne de 10,8 % entre 2016 et 2020. Mais en 2021, les exportations de fruits congelés ont chuté de 19,2 %.

Les achats intérieurs d’aliments réfrigérés (en volume) ont été bouleversés de façon similaire, croissant de 7,1 % d’une année sur l’autre en 2020, pour ensuite diminuer de 2,1 % d’une année sur l’autre en 2021, d’après Nielsen. Au premier trimestre de 2020, les stocks de viande congelée du Canada étaient en hausse de 4,7 % d’une année sur l’autre et de 9,9 % d’un trimestre à l’autre, résultant principalement des perturbations liées à la COVID dans le secteur des services alimentaires.

Les tendances des importations d’aliments réfrigérés ont aussi évolué ces deux dernières années (figure 2). Les importations de viande ont augmenté en 2020, ce qui a peut-être alimenté la demande d’entreposage frigorifique. Mais depuis, les importations de viande (en volume) ont diminué d’une année sur l’autre et à un rythme plus soutenu que la moyenne de 2015 à 2019. De façon générale, les importations d’aliments réfrigérés (sauf les fruits frais et congelés) fluctuent considérablement depuis le début de la pandémie.

1Les produits de viandes d’origine non aquatique sont représentés par les codes SH 1601 (Saucisses, saucissons et produits similaires, de viande, d’abats ou de sang; préparations alimentaires à base de ces produits) et SH 1602 (Autres préparations et conserves de viande, d’abats ou de sang).

Figure 2 : Les importations canadiennes d’aliments réfrigérés (en kilogrammes) sont volatiles durant la pandémie

Graphique montrant que les importations canadiennes d’aliments réfrigérés (en kilogrammes) sont volatiles durant la pandémie.

Source : Le commerce international de marchandises du Canada

On ne sait pas exactement pendant combien de temps la pandémie perturbera les chaînes d’approvisionnement et les échanges commerciaux, mais les perspectives à long terme de la demande mondiale et des échanges commerciaux de produits alimentaires sont positives, et elles créeront des besoins en matière d’entreposage.

La pandémie stimule la demande

Si les besoins en matière d’entreposage frigorifique résultent en grande partie des tendances de consommation alimentaire, le stockage d’une grande quantité de vaccins et d’autres produits médicaux a créé un besoin simultané d’entreposage frigorifique. Il n’en demeure pas moins que l’entreposage frigorifique compte pour une fraction seulement de l’espace d’entreposage industriel. On assiste actuellement à une expansion accrue des installations, principalement à proximité des centres de transport et des usines de transformation des aliments. Cela comprend le réaménagement et l’ajout d’espace à des installations existantes, ainsi que de nouvelles constructions. Cependant, les répercussions de la COVID continuent d’alimenter l’incertitude entourant l’avenir du secteur.

D’après les statistiques les plus récentes dont nous disposons (novembre 2021), les ventes du secteur des services alimentaires ont rebondi à 1 % au-dessus de leur niveau antérieur à la COVID (février 2020). Mais cela, c’était avant la vague Omicron. Les données les plus récentes d’Open Table concernant les réservations dans les restaurants indiquent une diminution de 30 % par rapport à février 2020, ce qui laisse croire que l’industrie des services alimentaires n’a pas encore trouvé sa « nouvelle normalité ». Personne ne sait combien de temps il faudra à l’industrie pour avoir accès à des données significatives sur l’environnement futur des entreprises alimentaires. Dans l’intervalle, l’adaptation à un avenir incertain est un facteur de réussite essentiel.

En conclusion

Les perspectives du secteur national de l’entreposage frigorifique sont positives à court terme grâce à l’évolution du commerce de détail des produits alimentaires. Les préférences des consommateurs pour les produits frais, sains et pratiques, qui étaient déjà en pleine mutation avant la COVID, continuent à évoluer. La pandémie a accéléré ces tendances, stimulant l’achat en ligne et l’engouement pour les produits locaux et, au début de la pandémie du moins, l’accumulation de réserves.

Toutefois, ces perspectives pourraient s’assombrir. L’incertitude qui enveloppe les projections concernant l’espace d’entreposage frigorifique ne se dissipera que lorsque nous saurons comment les tendances de consommation évolueront, c’est-à-dire une fois que les effets de la pandémie sur l’activité sociale et l’activité économique se seront atténués. Les habitudes de consommation alimentaire ne retrouveront probablement pas l’équilibre immédiatement.

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.