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Perspectives de 2021 pour le secteur des céréales, des oléagineux et des légumineuses

10 févr. 2021
12,5 min de lecture

Les Services économiques FAC vous aident à comprendre les enjeux et les principales tendances économiques susceptibles d’avoir une incidence sur votre exploitation en 2021. Les trois principales tendances à surveiller pour les exploitations de céréales, d’oléagineux et de légumineuses sont les suivantes :

  • Offre limitée et faiblesse des ratios stocks‑utilisation prévus

  • Influence de la Chine sur les marchés

  • Contrecoup de la COVID‑19 : les fluctuations du dollar pendant la stabilisation de l’économie

L’année 2020 fut comme nulle autre pour de nombreuses raisons. Au Canada, la production globale des céréales, d’oléagineux et de légumineuses a atteint un sommet inégalé, la plupart des cultures (à l’exception du canola) ayant enregistré une hausse de leur production par rapport à l’année précédente. Nous prévoyons que la faiblesse de l’offre mondiale et la forte demande internationale continueront d’avoir un effet positif sur les prix de la plupart des céréales, des légumineuses et des oléagineux canadiens (tableau 1).

Les prix des cultures (à l’exception du blé dur) sont plus élevés depuis le début de l’exercice que les prix prévus pour l’année commerciale 2020‑2021. Cela témoigne de la forte hausse des prix des produits de base entamée au début de l’automne 2020. De façon générale, les prix prévus pour l’année commerciale 2021‑2022 sont inférieurs à ceux prévus pour 2020‑2021, mais supérieurs à leurs moyennes sur cinq ans.

Tableau 1 : Les prix de la plupart des cultures demeureront supérieurs à leurs moyennes sur cinq ans pendant toute l’année 2021

Graphique montrant que les prix de la plupart des cultures demeureront supérieurs à leurs moyennes sur cinq ans pendant toute l’année 2021.

Sources : Statistique Canada, AAC, USDA, CanFax, contrats à terme du Chicago Mercantile Exchange (CME) et calculs de FAC.

Hausse des prix des intrants agricoles

La hausse prévue des prix des cultures devrait entraîner une hausse de l’offre de la plupart de cultures. L’augmentation de la demande d’engrais qui en découlera provoquera une flambée (en anglais seulement) des prix de l’urée, du phosphate d’ammonium et de la potasse.

Les prix des autres intrants de culture (p. ex. les semences et les pesticides) devraient également grimper avant le début des ensemencements printaniers, ce qui affaiblirait les marges de profit des cultures. Le ratio soya‑maïs pour 2021, établi en fonction des prix des contrats à terme du soya de novembre 2021 et de ceux du maïs de décembre 2021, indique que les agriculteurs américains vont privilégier le soya au détriment du maïs. La concurrence entre ces cultures aura un effet direct sur la demande d’azote et les prix des engrais.

La valeur des terres agricoles devrait demeurer élevée pendant toute l’année en raison de la faiblesse des taux d’intérêt et des recettes élevées des cultures de la campagne 2020‑2021. Revenez‑nous en mars pour lire les conclusions du rapport Valeur des terres agricoles 2020 de FAC et nos prévisions sur les tendances en matière de taux de location et d’abordabilité des terres.

Blé

La récolte de blé 2020-2021 de l’Argentine, laquelle sera la plus faible des cinq dernières années selon les estimations, contribuera à maintenir la production mondiale prévue à 773,4 millions de tonnes métriques, ce qui représente une croissance légère de 1,2 % par rapport à l’année précédente. Ces prévisions à la baisse contrebalancent la production de blé de la Russie qui, selon les estimations, a atteint un record. Les stocks de fin de campagne devraient se chiffrer à 304,2 millions de tonnes métriques, ce qui représente une hausse de 1,4 % par rapport à l’année précédente et un sommet pour les cinq dernières années (figure 1).

Figure 1 : Les prix sont en hausse malgré la hausse de la production mondiale de blé

Le ratio stocks‑utilisation à l’échelle mondiale augmente
Graphique montrant que les prix sont en hausse malgré la hausse de la production mondiale de blé.

Source : USDA-FAS.

Les marchés haussiers du maïs et du soya ont contribué à faire grimper les prix du blé au début de 2021, tout comme l’annonce de restrictions à l’exportation de blé en Russie et les rumeurs de taxes à l’exportation en Argentine. Les stocks élevés n’exerceront pas forcément une plus forte pression à la baisse sur les prix prévus (tableau 1). Premièrement, le ratio stocks‑utilisation du blé est en baisse aux États‑Unis. Deuxièmement, le rythme des exportations canadiennes de cultures pour l’année de récolte 2020‑2021 demeure soutenu. Cette tendance est particulièrement rassurante considérant que la production canadienne a atteint 35,2 millions de tonnes métriques, ce qui représente une hausse de 7,7 % par rapport à l’année précédente et la deuxième plus importante récolte en 10 ans.

Les prix plus élevés signalent que les marges seront positives pour l’année commerciale en cours et celle qui suivra. Malgré cela, nous croyons que les superficies affectées à la production de blé pourraient ne pas augmenter en 2021 en raison des avantages substantiels de la production de canola. Un retour aux rendements tendanciels entraînerait une récolte 2021 moins abondante, ce qui soutiendrait les prix.

Maïs

Selon les estimations, la production mondiale de maïs pour l’année commerciale 2020-2021 grimpera de 1,6 % pour atteindre 1,13 milliard de tonnes métriques. Même si le phénomène La Niña a déjà débarqué en Amérique du Sud, la production de maïs devrait frôler un record en Argentine et atteindre un nouveau record au Brésil.

Le ratio stocks-utilisation à l’échelle mondiale est en baisse, tout comme celui des États-Unis (figure 2). La Chine, qui consomme de plus en plus de maïs pour la reconstitution de son troupeau porcin, est la principale responsable de la hausse prévue de la demande (voir la deuxième tendance). L’USDA prévoit maintenant une hausse remarquable de 216 % des importations de la Chine pour l’année commerciale 2020-2021 par rapport à l’année précédente, laquelle s’ajoutera à l’augmentation de 70 % enregistrée en 2019-2020. Ces prévisions peuvent même être qualifiées de prudentes!

Figure 2 : Les stocks américains de maïs baisseront parallèlement à la hausse des exportations et de la demande d’aliments pour animaux et de carburant

Le ratio stocks‑utilisation du maïs américain chute
Graphique montrant que les stocks américains de maïs baisseront parallèlement à la hausse des exportations et de la demande d’aliments pour animaux et de carburant.

Source : USDA.

La demande mondiale de maïs américain continuera de croître, mais l’utilisation de maïs demeure plus imprévisible et sera influencée par de nombreux facteurs. La légère hausse prévue de la production totale de viande rouge et de volaille devrait assurer le maintien de la demande d’aliments pour animaux. En outre, le secteur de l’éthanol pourrait rebondir après avoir connu une année difficile en 2020. À son point le plus bas au printemps dernier, le secteur de l’éthanol ne produisait que la moitié de ce qu’il produisait avant la pandémie. La production semble s’être stabilisée et atteint maintenant un rendement de 10 % inférieur à ce qu’il était au début de 2020. La reprise de la production d’éthanol à un rythme équivalent à celui de l’année commerciale 2018‑2019 pourrait facilement faire fléchir le ratio stocks-utilisation du maïs sous le seuil de 10 %.

La hausse des prix du maïs (tableau 1) devrait entraîner un accroissement des superficies ensemencées. Si les rendements en 2021 suivent la tendance attendue, l’offre pendant l’année commerciale 2021‑2022 pourrait augmenter, ce qui limitera toute hausse potentielle des prix du maïs au Canada. Dans l’ensemble, les marges devraient toutefois être bien soutenues.

Soya

La situation du soya en 2021 est caractérisée par une hausse de la production globale et d’une croissance encore plus importante de la demande, lesquelles pourraient, dans certains cas, fracasser des records. Selon les estimations, le Brésil, qui est le plus important producteur de soya au monde, devrait frôler ou battre un record de production malgré la menace de La Niña, et tous les principaux producteurs prévoient une récolte supérieure à celle de l’année commerciale de 2019‑2020. L’Argentine demeure la grande inconnue. La sécheresse dans ce pays pourrait limiter la croissance et les conflits de travail actuels rendent les chargements et les livraisons incertains.

La demande totale de soya pour l’année commerciale 2020‑2021 est également en hausse, propulsée avant tout par la Chine. En pleine reconstitution de son cheptel, la Chine a vu ses besoins en aliments pour animaux monter en flèche depuis 2018, année où la demande avait chuté en raison de l’épidémie de peste porcine africaine. La demande de la Chine surpasse maintenant son niveau d’avant l’épidémie. L’accroissement de la demande a fait baisser le ratio stocks‑utilisation de soya américain au cours de l’année commerciale 2020-2021 (Figure 3) à un niveau inférieur à celui de l’année commerciale 2012-2013, soit la dernière année où il y a eu une sécheresse majeure.

Figure 3 : Le prix moyen du soya américain grimpe alors que le ratio stocks‑utilisation de fin de campagne diminue

Graphique montrant que le prix moyen du soya américain grimpe alors que le ratio stocks-utilisation de fin de campagne diminue.

Source : USDA.

Peu importe les chocs qui peuvent faire varier l’offre et la demande, les prix sont toujours plus volatils lorsque les ratios stocks-utilisation sont faibles. Toutefois, même s’il est possible que les prix soient élevés jusqu’à la fin de la prochaine année commerciale, des récoltes abondantes de soya viendront d’ajouter à l’offre. Les prix pourraient également diminuer si la Chine venait à rationaliser ses achats.

Les bénéfices élevés prévus pour la production de soya devraient entraîner une hausse globale des superficies ensemencées en 2021, enclenchant un renversement de la tendance baissière des trois dernières années dans les Prairies.

Canola

Les producteurs de canola du Canada devraient connaître une excellente année, les perspectives de croissance de la demande étant essentiellement limitées par les stocks disponibles. Cette croissance, propulsée avant tout par la Chine, contribue à faire grimper les prix de l’ensemble des oléagineux. La demande de tourteaux de protéines et d’huile végétale est également très forte.

Le ratio stocks‑utilisation au Canada était de 14 % en moyenne pour les cinq dernières années et de 15 % pour l’année commerciale 2019‑2020. En 2021, nous nous attendons toutefois à ce qu’il chute à 6 %, ce qui représenterait un creux record. La forte demande intérieure et la croissance des exportations feront basculer la tendance. Compte tenu de ce soutien, nous prévoyons que les superficies ensemencées augmenteront par rapport à 2020 et que la production croîtra en supposant des rendements tendanciels.

Dans l’éventualité d’un ralentissement des achats d’oléagineux de la Chine ou d’une récolte de soya plus abondante que prévu en Amérique du Sud, les prix diminueront. Toutefois, si l’Europe connaît un autre été chaud et sec qui limite les rendements de colza, les prix pourraient grimper davantage. Le contrat de mars conclu à la fin janvier au prix de 717,80 $ la tonne marque la première vente à un prix supérieur à 700 $ la tonne depuis mars 2008.

Lentilles et pois

L’offre canadienne de pois secs pour l’année commerciale 2020-2021 devrait croître de 6 %, et la production, de 8,4 %. Malgré les exportations accrues de pois canadiens vers la Chine, les stocks de fin de campagne grimperont pour s’établir à 450 000 tonnes, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Les prix de la récolte de l’année courante seront supérieurs à leur moyenne sur cinq ans, mais ils chuteront à l’arrivée de la récolte 2021, ce qui exercera une pression sur les marges. Les tarifs douaniers imposés par l’Inde ainsi que la baisse de la demande partout ailleurs continueront de limiter les exportations, ce qui fera bondir les stocks de fin de campagne 2021-2022.

Les stocks de lentilles seront plus élevés à la fin de l’année commerciale 2020‑2021 en raison de la production accrue, ce qui exercera une certaine pression sur les prix pendant l’année commerciale 2021‑2022. De plus, l’accroissement de la production dans d’autres pays exportateurs exacerbera cette pression. Néanmoins, les marges devraient se maintenir et les superficies ensemencées pourraient augmenter légèrement ce printemps. Toutefois, les rendements tendanciels indiquent que la production n’augmentera pas par rapport à l’année dernière. Même si les prix prévus de la nouvelle récolte sont inférieurs à ceux de la récolte précédente, ils soutiendront des marges positives.

Tendances à surveiller en 2021

  1. Offre limitée et faibles ratios stocks‑utilisation : des conditions favorables à la volatilité

    La qualité et la quantité des récoltes sud‑américaines au cours des six prochains mois détermineront si les prix élevés au début de 2021 se maintiendront tout au long de l’année commerciale nord‑américaine. La Russie a également ajouté une dose d’incertitude à la situation en imposant des quotas d’exportation pour combattre les prix intérieurs élevés de nombreuses cultures de la campagne 2020‑2021, y compris le blé.

    Les restrictions à l’exportation ont amplifié les fluctuations de prix à court terme, d’autant plus que ces pays ont d’importantes parts de marché et que les ratios stocks‑utilisation sont faibles. La volatilité pourrait demeurer élevée pendant toute l’année 2021.

  2. Le refrain de la chanson sur l’agriculture mondiale est « La Chine, la Chine »

    Il est maintenant clair que le commerce agricole entre la Chine et les États‑Unis est mû par les indicateurs fondamentaux du marché, et non pas nécessairement par les hostilités des conflits commerciaux. En 2021, ces indicateurs fondamentaux sont liés à la reconstitution du cheptel porcin de la Chine. La fièvre porcine africaine a entraîné des changements permanents à la structure du marché des porcs et de la viande de porc en Chine. D’énormes sommes sont investies dans des installations pour l’élevage porcin conçues pour être les plus grandes au monde. Cet essor de la production commerciale d’envergure nécessite un flux soutenu d’aliments importés pour les animaux et accroît l’interdépendance de la relation entre les États‑Unis et la Chine. Mesurée en boisseaux, la relation États‑Unis–Chine n’a jamais été plus solide (en anglais seulement).

    Malgré cela, la Chine, qui devait acheter pour 36,6 milliards de dollars américains de produits agricoles des États‑Unis en 2020 en vertu de l’accord de phase 1, n’a pas respecté son engagement. Alors que le nouveau président Joe Biden attend de négocier tout amendement que son administration pourrait juger nécessaire, les conflits commerciaux entre la Chine et l’Australie continuent de s’intensifier, si bien que la Chine pourrait envisager des tarifs additionnels aux produits agricoles australiens, ce qui créerait une occasion d’accroître les exportations nord‑américaines vers la Chine.

  3. Contrecoup de la COVID : les fluctuations du dollar pendant la stabilisation de l’économie

    De nombreuses devises ont évolué en dents de scie en 2020, et le dollar canadien n’a pas fait exception. La vigueur actuelle du dollar canadien reflète principalement la faiblesse du dollar américain, lequel a perdu environ 12 % de sa valeur pondérée en fonction des échanges commerciaux par rapport à son pic de mars 2020.

    Un dollar américain faible est généralement positif pour les prix des produits de base puisque cela accroît le pouvoir d’achat des principaux importateurs. Toutefois, un dollar canadien relativement fort par rapport au dollar américain réduit l’avantage concurrentiel des exportateurs canadiens et resserre les marges de profit des exploitations agricoles.

    La politique monétaire des États‑Unis devrait demeurer très accommodante et les taux d’intérêt continueront d’être bas dans un avenir prévisible. Ces deux facteurs nuiront à l’appréciation du dollar américain. D’un autre côté, les mesures de relance pourraient renforcer l’économie américaine et, par conséquent, entraîner un renversement de la tendance baissière et établir un plafond à la vigueur du dollar canadien.

Surveillez notre blogue pour des mises à jour régulières de ces perspectives de 2021 pour le secteur des grandes cultures, ainsi que pour nos perspectives pour les secteurs du bœuf, du porc, du poulet à griller, des produits laitiers et de la transformation des aliments. Une analyse approfondie des taux d’intérêt, des devises et du PIB sera publiée au début du mois de mars.

Martha Roberts

Rédactrice économique

Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.