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Les agriculteurs doivent voir au-delà de l’imminente guerre de devises entre les États-Unis et la Chine

27 août 2019

Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ne montrent guère de signes d’apaisement. L’administration américaine a annoncé une hausse des barrières tarifaires sur les importations américaines en provenance de la Chine, qui relève également ses droits de douane sur les exportations américaines. Pékin s’est également vue reprocher de dévaluer artificiellement sa monnaie, faisant craindre une guerre des devises, le tout dans le contexte de la guerre commerciale que se livrent les deux géants.

Voici les enjeux pour les marchés agricoles.

Les politiques commerciales n’interviennent pas en vase clos

Les tarifs douaniers américains font en sorte que les acheteurs paient plus cher pour les produits chinois, ce qui fait fléchir la demande d’importation des entreprises et des consommateurs américains. Pourtant, les tarifs douaniers n’ont pas permis de réduire le déficit commercial des États-Unis. La balance commerciale est devenue légèrement plus négative, passant d’un déficit de 153,1 G$ au premier trimestre de 2018 à un déficit de 154,6 G$ un an plus tard. Cette baisse s’explique principalement par l’augmentation des importations américaines, survenue en dépit des tarifs. Comment est-ce possible?

Les États-Unis constituent la première puissance économique mondiale. Ainsi, une plus faible demande en provenance des États-Unis fait fléchir la valeur de la monnaie du pays exportateur. Le dollar américain ($ US) s’est apprécié de 12,5 % par rapport au yuan chinois entre mars 2018 et août 2019. La chute du yuan est aussi attribuable au ralentissement de l’économie chinoise. En d’autres termes, les tarifs douaniers américains n’ont pas l'effet désiré sur la robustesse de la monnaie chinoise; c’est tout à fait l’inverse.

Les devises seront-elles à l’origine d’un regain des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine?

La dépréciation récente du yuan a valu à la Chine de se faire accuser par l’administration américaine de manipulation monétaire. La prochaine étape consistera, pour les États-Unis, à obtenir les conseils du Fonds monétaire international (FMI) pour résoudre le problème présumé, faisant ainsi craindre une guerre des devises. Cette situation se produit lorsque des partenaires commerciaux prennent des mesures qui entraînent une dépréciation du taux de change de leur monnaie par rapport à d’autres monnaies, l’objectif étant d’obtenir un avantage concurrentiel sur les marchés mondiaux.

Les valeurs des devises déterminent les prix des produits de base

Un dollar américain plus faible s’accompagne en règle générale d’une augmentation des prix des produits de base; par conséquent, si la Chine décidait d’affaiblir davantage sa monnaie par rapport au dollar américain, cela aurait des incidences négatives.

Prenons par exemple la fève de soya. Plus le yuan sera fort, et moins les importations de soya s’avéreront dispendieuses. Mais l’identité du pays fournisseur a aussi une incidence. L’affaiblissement du réal brésilien par rapport au dollar américain a rendu les exportateurs des États-Unis moins concurrentiels, et pas seulement à cause des tarifs, mais aussi à cause des devises. La demande de soya brésilien a grimpé en flèche, tout comme ses prix — en contradiction flagrante avec les prix du soya aux États-Unis.

Quant au huard, il affiche une assez bonne performance pour l’année 2019. Il s’est apprécié d’un peu plus de 2 % par rapport au dollar américain depuis le début de l’année, mais demeure à un niveau raisonnable pour des fins de concurrence.

La vigueur de l’économie mondiale est plus importante pour l’agriculture canadienne

Le facteur le plus important des prix des produits de base est la santé de l’économie mondiale, et des signes montrent que les tarifs américains commencent à avoir un impact. L’économie allemande s’est repliée au cours du deuxième trimestre. De nombreuses banques centrales (Inde, Nouvelle-Zélande, Thaïlande) ont réduit leur taux d’intérêt directeur pour se prémunir contre une économie mondiale fragilisée.

La santé de l’économie mondiale est LE facteur qui détermine les prix des produits de base.

Malgré toutes les tensions commerciales, on prévoit que la demande de produits agricoles (en anglais seulement) sera vigoureuse en 2019-2020 :

  • consommation totale de blé en hausse de 3 %

  • utilisation mondiale de céréales secondaires en hausse de 0,5 %

  • consommation mondiale d’oléagineux en hausse de 2,1 %

La consommation mondiale de bœuf devrait également augmenter de 1,4 % en 2019. La demande de porc grimperait aussi, si ce n’était de la diminution prévue en raison de la peste porcine africaine qui frappe la Chine

Les exploitations agricoles doivent regarder au-delà des potentielles guerres de devises et suivre de près la santé de l’économie mondiale. Un ralentissement mondial entraînerait une révision à la baisse des prévisions de croissance de la demande et exercerait probablement une pression aussi bien sur les prix que sur les revenus agricoles.

x.com/jpgervais
Jean-Philippe Gervais

Vice-président et économiste en chef

Jean-Philippe Gervais est vice-président et économiste en chef à FAC. Ses conseils aident à orienter la stratégie et à surveiller le risque à l’échelle de la compagnie. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l’industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos ainsi que dans le blogue des Services économiques de FAC.

Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe est l’ancien président de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économie de l’Université d’Iowa State en 1999.