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Aperçu de la situation macroéconomique au premier trimestre de 2024 : comparaison des résultats économiques du Canada et des États-Unis

6 mars 2024
7,5 min de lecture

Même si les taux d’intérêt ont augmenté à peu près au même rythme aux États-Unis et au Canada, le frein que représente cette hausse pour l’économie a clairement été plus prononcé de ce côté-ci de la frontière. En effet, la croissance du PIB du Canada n’a été que de 1,1 % en 2023, ce qui est bien inférieur à la croissance de 2,5 % enregistrée aux États-Unis. Cet écart est entièrement attribuable à la demande nationale, en particulier aux composantes du PIB qui sont sensibles aux taux d’intérêt, soit le logement, les dépenses de consommation et les investissements des entreprises. Et comme les taux risquent de demeurer élevés pendant un certain temps, il sera difficile pour le Canada de rattraper les États-Unis en 2024. Un point positif est que l’essor économique soutenu aux États-Unis devrait se traduire par des exportations satisfaisantes pour les producteurs agricoles et les fabricants d’aliments et de boissons canadiens. 

Le fardeau du service de la dette s’alourdit au Canada 

Personne ne devrait être surpris que les taux d’intérêt élevés aient un impact plus marqué de ce côté-ci de la frontière. Non seulement les Canadiens sont-ils plus endettés que les Américains, mais cette dette se renouvelle aussi plus régulièrement. Par exemple, la durée des prêts hypothécaires ne dépasse pas cinq ans au Canada, alors qu’aux États-Unis, les hypothèques de 30 ans sont monnaie courante. Pour cette raison, le fardeau de la dette des ménages est plus lourd au Canada.  

Il est à noter que plus de 15 % du revenu disponible est destiné au service de la dette au Canada, alors qu’aux États-Unis, le ratio du service de la dette est inférieur à 10 % (figure 1). Le fardeau du service de la dette était similaire dans les deux pays en 2005, mais depuis, un fossé s’est creusé, car la crise financière de 2007-2008 (et l’effondrement subséquent du marché immobilier américain) a provoqué un important désendettement des ménages aux États-Unis, tandis qu’au Canada, l’endettement s’est envolé, parallèlement à un marché immobilier en plein essor.  

Figure 1. Le fardeau du service de la dette est beaucoup moins lourd aux États-Unis qu’au Canada 

Graphique linéaire illustrant l’évolution du service de la dette des ménages en proportion du revenu disponible au Canada et aux États-Unis entre 1991 et 2023.

Sources : Statistique Canada, Réserve fédérale des États-Unis

Cette plus grande sensibilité aux taux d’intérêt (comparativement aux États-Unis) ne s’est pas manifestée immédiatement, mais elle est devenue plus évidente lorsque les taux ont atteint des sommets de plusieurs décennies après la pandémie. La hausse des taux a incité les Canadiens à économiser davantage (le taux d’épargne des ménages a doublé, passant d’environ 3 % avant la pandémie à 6,2 % à la fin de 2023), ce qui contraste nettement avec la baisse du taux d’épargne observée au sud de la frontière. Et cela a eu une incidence manifeste sur les dépenses. 

Si la consommation de services a progressé à un rythme similaire dans les deux pays au cours des quatre dernières années, durant la même période, les dépenses en biens ont augmenté cinq fois plus lentement au Canada qu’aux États-Unis, freinées par les biens durables (comme les automobiles, les appareils électroniques et les électroménagers), qui sont très sensibles aux taux d’intérêt (figure 2). Ce résultat est d’autant plus remarquable que la croissance démographique du Canada a été supérieure à celle des États-Unis au cours de cette période. Il ne faut pas non plus s’étonner du fait que les dépenses alimentaires par habitant ont diminué au Canada en 2023, tandis que les fabricants de produits alimentaires et de boissons ont enregistré une croissance minime de leurs ventes (principalement grâce à la vigueur de quelques marchés d’exportation).    

Figure 2. Au cours des quatre dernières années, la consommation a été plus faible au Canada qu’aux États-Unis 

Diagramme à bandes illustrant la faible croissance de la consommation réelle au Canada par rapport aux États-Unis entre 2000 et 2023.

Sources : Statistique Canada, U.S. Bureau of Economic Analysis

Une croissance inférieure au potentiel atténuera l’inflation 

Si l’on regarde vers l’avenir, la consommation devrait demeurer plus faible au Canada qu’aux États-Unis (bien que nous nous attendions à ce que la croissance des dépenses diminue également de l’autre côté de la frontière en raison du faible taux d’épargne), car le ratio du service de la dette demeure élevé à l’approche des renouvellements de prêts hypothécaires. Les coûts élevés du logement et le marché de l’emploi affaibli devraient également constituer des défis pour les consommateurs cette année. Un autre défi est la décélération prévue de la croissance démographique. Il ne faudrait donc pas se surprendre si les dépenses de consommation (qui représentent 60 % de l’économie) et, par conséquent, la croissance du PIB réel piétinent à nouveau cette année. 

Une deuxième année consécutive de croissance inférieure au potentiel devrait régler le problème de l’inflation, mais pas aussi vite que ce à quoi certains s’attendent. On observe une diminution de l’inflation sous-jacente, qui exclut les éléments volatils (et constitue une mesure plus juste des pressions sous-jacentes sur les prix), mais très lente (figure 3). Cette persistance de l’inflation sous-jacente n’est toutefois pas surprenante, car les salaires (un coût important que certaines entreprises transfèrent aux consommateurs) continuent de croître bien plus rapidement qu’avant la pandémie. Cependant, l’assouplissement attendu du marché de l’emploi et la hausse connexe du taux de chômage devraient réduire la pression sur les salaires dans le courant de l’année et inciter la banque centrale à considérer que la tendance à la baisse de l’inflation sous-jacente est durable. Cela aura d’importantes répercussions sur les taux d’intérêt. 

Figure 3. L’inflation redescend lentement vers la cible de 2 % de la Banque du Canada 

Graphique linéaire illustrant l’inflation totale et l’inflation sous-jacente entre janvier 2020 et janvier 2024, en comparaison avec la cible de la Banque du Canada.

Source : Statistique Canada

Répercussions sur les taux d’intérêt et le dollar 

Après avoir atteint des creux de plusieurs mois à la fin de l’année 2023, les rendements des obligations du gouvernement du Canada augmentent à nouveau tout au long de la courbe de rendement (figure 4). Cela, bien sûr, est attribuable à une série de rapports économiques qui ont évoqué la persistance de l’inflation. Cette persistance a incité la Banque du Canada (BdC) à adopter une attitude plus ferme que ce à quoi les marchés s’attendaient, et ceux-ci ont dû repousser leurs attentes en matière de baisses de taux.  

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la croissance des salaires, donc l’inflation, diminueront cette année, car le marché de l’emploi s’essouffle en même temps que l’économie s’affaiblit, mais il faudra du temps avant que ce processus soit pleinement à l’œuvre. Donc, si les rendements des obligations risquent d’augmenter encore un peu à court terme, la tendance baissière à long terme reprendra à mesure que l’inflation reculera de façon plus marquée dans le courant de l’année.  

Les rendements à court terme, qui sont liés au taux du financement à un jour de la BdC, resteront probablement inchangés pour l’instant. La banque centrale a réitéré, lors de sa réunion de mars, qu’elle n’envisageait pas d’abaisser les taux compte tenu de la persistance de l’inflation. En d’autres termes, la courbe de rendement déjà inversée pourrait s’inverser davantage à court terme, c’est-à-dire que les taux à court terme demeureraient inchangés alors que les taux à long terme diminueraient. Mais une fois que la banque centrale sera convaincue que la tendance à la baisse de l’inflation est durable et qu’elle commencera à réduire les taux durant le deuxième semestre de 2024 (nous nous attendons actuellement à trois baisses de taux de 25 pdb d’ici la fin de l’année), la pente de la courbe de rendement devrait commencer à revenir à la normale, soit redevenir positive. 

Figure 4. La courbe de rendement canadienne est toujours inversée, mais elle commence à s’infléchir 

Graphique linéaire illustrant la courbe de rendement, en pourcentage, d’une série d’obligations du gouvernement du Canada en date du 3 octobre 2023, du 29 décembre 2023 et du 27 février 2024.

Source : Banque du Canada

Au vu de ces perspectives concernant les taux d’intérêt, ainsi que de la faiblesse prévue des prix des produits de base en raison de la faible croissance du PIB mondial, on pourrait penser que 2024 sera une autre année difficile pour le dollar canadien. Il y a toutefois un facteur qui pourrait permettre au huard de défier cette probabilité. La vigueur du dollar américain, qui caractérise les marchés des capitaux mondiaux depuis que la Réserve fédérale a commencé à relever ses taux d’intérêt en mars 2022, finira par s’estomper. Et cela pourrait se produire cette année, car la diminution de l’inflation aux États-Unis permet à la Réserve fédérale de commencer à réduire le taux des fonds fédéraux. Autrement dit, il est possible que le dollar canadien bénéficie d’un certain soutien, même dans un contexte de croissance économique lente mais positive. 

Résumé des prévisions concernant les principales variables économiques 

Le tableau ci-dessous résume les prévisions des Services économiques FAC concernant certaines variables économiques. 

Tableau 1. Prévisions concernant les principales variables économiques 

A table showing economic variables, historic and forecasted for 2024.

Sources : Services économiques FAC, Bloomberg

Krishen Rangasamy

Directeur, Services économiques et économiste principal

Krishen Rangasamy est directeur, Services économiques et économiste principal à FAC. Grâce à ses perspectives et à son leadership, il contribue à orienter la recherche sur des sujets liés à la macroéconomie et à l’agriculture, recherche que FAC et ses clients externes utilisent pour étayer leurs stratégies et surveiller le risque.

Avant son arrivée à FAC en 2023, Krishen a été spécialiste de la macroéconomie pendant plus de 15 ans sur Bay Street, notamment au sein de deux grandes banques canadiennes, où il a conseillé des négociateurs en bourse et a aidé à diriger des travaux de recherche et de prévision économiques. De plus, il donnait régulièrement ses commentaires judicieux à propos des marchés financiers sur d’importantes chaînes de télévision spécialisées dans les affaires, de même que dans la presse écrite. Avant d’œuvrer dans les services bancaires d’investissement, Krishen a travaillé comme analyste du secteur énergétique dans l’Ouest canadien. Il a obtenu sa maîtrise ès arts en économie à l’Université Simon-Fraser.