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De l’ombre à la lumière : l’envol d’un projet agricole

4 min de lecture
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Nous avons retrouvé notre dignité professionnelle et la fierté de prendre notre place dans la société.Maryse Sauvé et Daniel Bonin sont les copropriétaires d’À la canne blanche, une ferme spécialisée dans la production d’œufs de cane à Stukely-Sud, en Estrie, au Québec. Leur élevage compte près de 1 400 pondeuses.

Partenaires dans la vie comme en affaires, Maryse et Daniel ont tous deux une déficience visuelle. Leur parcours, marqué par l’audace, la rigueur et une grande capacité d’adaptation, montre qu’avec une idée bien structurée et un bon réseau, il est possible de faire éclore un projet viable et porteur de sens.

Quand la cécité ouvre une voie insoupçonnée

Maryse : Je vis avec une dystrophie visuelle depuis l’adolescence. Massothérapeute de formation, je me suis heurtée à des perspectives de travail limitées après que mes enfants eurent quitté le nid. C’est alors que ma fille m’a offert trois canes. Ce geste a tout changé.

Daniel : J’ai perdu la vue à 20 ans à cause d’un glaucome congénital. J’ai renoncé à mon rêve de devenir avocat et exploré plusieurs emplois sans trouver ma voie.

Maryse : Je possédais déjà une terre agricole à l’arrière de la maison. J’ai proposé à Daniel d’y élever des canes pondeuses et il a accepté. C’est ainsi qu’est née, en 2018, À la canne blanche.

Daniel : Personne ne se spécialisait dans ce type d’œufs au Québec. Nous avons tout appris par nous-mêmes. Un producteur de canards en Montérégie nous a également offert son mentorat et nous accompagne encore aujourd’hui.

Élever autrement

Daniel : Pour compenser notre handicap visuel, nous avons privilégié des espèces offrant une présence sonore continue.

Maryse : Nos canes perçoivent notre différence et nous font confiance. La proximité physique et tactile avec elles nous aide à décoder leurs comportements. Notre rythme posé les sécurise.

Daniel : J’ai conçu leurs enclos selon une logique spatiale répétitive, avec des carillons pour nous guider. Nous « entendons » notre environnement d’une manière unique.

Maryse : J’ai mémorisé leurs lieux de ponte préférés et je ramasse les œufs en suivant la litière zone par zone.

Croissance, adaptation et diversification

Maryse : Nous avions une vision claire, mais la traduire en plan d’affaires représentait un défi. Une amie comptable nous a aidés, et la municipalité régionale de comté nous a offert un accompagnement précieux.

Daniel : Cette approche structurée a renforcé la crédibilité de notre entreprise et nous a permis d’obtenir du financement.

Maryse : Ainsi, nous avons construit en 2019 un premier bâtiment pour 700 oiseaux. La même année, une reconnaissance provinciale dans un concours entrepreneurial est venue valider notre démarche et donner un bel élan à notre projet.

Daniel : On approvisionnait surtout des restaurants. Puis, en 2020, la pandémie a frappé de plein fouet. Quand tout a fermé, nous avons dû maintenir nos activités, sinon la ponte aurait été perturbée. Des amis nous ont aidés à livrer nos œufs localement, et nous en avons remis à une banque alimentaire. Il nous fallait rapidement trouver d’autres débouchés. Avec l’appui d’experts, nous avons amorcé une transition vers de nouveaux canaux de distribution : vente en ligne, marchés fermiers, traiteurs et épiceries spécialisées.

Maryse : Ces circuits nous rapprochent de notre clientèle. C’est essentiel pour nous d’offrir un produit local de qualité. D’ailleurs, nos œufs, plus volumineux que ceux de poules, sont appréciés pour leur texture onctueuse et leur goût affirmé. Cette particularité nous positionne dans un marché de niche à forte valeur ajoutée.

Un partenariat déterminant

Daniel : En 2023, la fermeture de notre principal fournisseur de pondeuses nous a amenés à revoir notre modèle d’affaires. Pour répondre aux besoins de notre clientèle, nous devions doubler notre capacité. C’était l’occasion de franchir une nouvelle étape.

Maryse : Nous avons fait connaître nos ambitions d’agrandissement, notamment dans les médias. Cette visibilité a changé notre trajectoire. Touché par notre histoire, Sébastien Grégoire, un entrepreneur de la région, nous a tendu la main.

Daniel : Il est devenu partenaire, a investi dans la construction d’une deuxième canardière, structuré le financement et assume désormais le volet administratif. De notre côté, nous assurons l’ensemble des opérations. Cette alliance nous permet de préserver la pérennité de notre exploitation.

Une philosophie de vie réinventée

Maryse : Je n’aurais probablement jamais démarré cette entreprise avec Daniel s’il avait eu l’usage de ses yeux. Tout aurait été plus rapide, moins réfléchi. Nous nous sommes réinventés avec ce qu’on avait.

Daniel : Ce projet va bien au-delà de la production d’œufs. Être en contact direct avec les oiseaux, travailler avec du vivant, c’est exactement ce dont j’avais besoin pour me sentir accompli. Nous avons retrouvé notre dignité professionnelle et la fierté de prendre notre place dans la société.

D’après un article de l’AgriSuccès par Mélanie Lagacé.