Vos émotions dictent- elles vos décisions?

L’agriculture et l’élevage sont empreints d’une dimension émotionnelle. Si les sentiments peuvent nuire à l’objectivité, comprendre le fonctionnement du cerveau peut aider à prendre des décisions éclairées.
C’est dans la nature humaine
Pour Hayden Woodley, professeur adjoint en comportement organisationnel à la Western University’s Ivey Business School, il est absurde de tenter d’éliminer complètement les émotions de la prise de décisions. Elles font partie intégrante de la nature humaine, en particulier lorsque les choix d’affaires sont liés à l’identité.
Des émotions exacerbées tendent à se manifester lorsque la fatigue, la pression ou l’incertitude se fait sentir, ce qui est courant en agriculture. Les émotions nous indiquent ce qui est important. En cas d’épuisement ou de surcharge émotionnelle, toutefois, elles peuvent altérer le jugement.
L’objectif est de développer une conscience émotionnelle en reconnaissant et en gérant les émotions, au lieu de les éliminer, afin de prendre des décisions plus claires.
« Il faut admettre que nous éprouvons une certaine émotion et se demander pourquoi nous la ressentons », dit M. Woodley.
L’importance de prendre du recul
Ce n’est pas la présence d’une émotion qui détermine la prise de décisions, mais plutôt notre capacité à la percevoir et à y réagir judicieusement. Lorsque les émotions sont fortes, qu’il s’agisse d’enthousiasme, d’anxiété ou d’un sentiment entre les deux, elles peuvent affecter notre capacité à traiter l’information.
« Dans ces moments-là, il est préférable de prendre du recul et de laisser les choses décanter avant d’aller de l’avant, afin que l’émotion ne vienne pas influencer notre décision », explique M. Woodley.
En revanche, le fait d’exclure totalement les émotions peut créer des angles morts, en particulier dans les secteurs axés sur les personnes, comme celui de l’agriculture, où l’empathie et la compréhension interpersonnelle sont essentielles.
« La prise de décisions est efficace lorsque nous avons conscience de nos émotions, précise M. Woodley. Cette conscience nous aide à reconnaître nos propres préjugés, à comprendre ce qui nous motive ou motive les autres et, en fin de compte, à faire des choix qui ne sont pas seulement logiques, mais aussi humains. »
Développer la conscience de soi
Le fait de reconnaître quand nos émotions sont exacerbées nous aide à savoir quand passer à l’action – ou attendre.Le fait de reconnaître quand nos émotions sont exacerbées nous aide à savoir quand passer à l’action – ou attendre. Ce n’est pas toujours facile de s’en rendre compte, c’est pourquoi M. Woodley conseille de ralentir quand l’agitation s’empare de nous ou simplement quand on ne sent pas bien.
« Ce qui est vraiment difficile en agriculture, c’est son caractère imprévisible, comme quand la météo ne coopère pas. Il est essentiel de pouvoir gérer cette imprévisibilité pour prendre le dessus sur nos émotions », explique M. Woodley.
« Prenez le temps de respirer. Même un arrêt d’une minute peut être bénéfique. Toutes les personnes à qui j’ai parlé, qui s’autorisent ces petits temps d’arrêt, remarquent des améliorations au fil du temps. »
Remettre en question ses préjugés
L’anxiété n’est pas le seul facteur qui peut conduire à la prise de mauvaises décisions. Au cours de sa carrière en agronomie, Jeremy Boychyn, directeur de recherche à Alberta Grains, a constaté que pour la plupart des gens, les pertes sont plus marquantes que les gains, ce qui influe sur leurs choix.
« En agriculture, on reproduit souvent ce qui a fonctionné dans le passé, et ce, pour de bonnes raisons », explique M. Boychyn. Il y a des risques à changer des pratiques connues. Si de nouvelles approches sont peut-être plus efficaces, beaucoup hésitent à compromettre ce qui a déjà fait ses preuves.
« Il s’agit d’une réaction émotionnelle. Nous voulons éviter l’échec, ce qui peut freiner notre désir d’adopter de nouvelles pratiques. »
Inversement, il est aussi facile de prendre des décisions d’affaires fondées sur des informations limitées ou anecdotiques. Il est possible que vous prêtiez davantage attention aux faits qui confirment vos convictions au détriment de ceux qui les contredisent. Vous risquez ainsi de passer à côté de meilleures options ou de ne pas voir certains signes précurseurs.
Un indicateur, pas une boussole
Selon M. Boychyn, l’agriculture « ne serait probablement pas ce qu’elle est » si les émotions étaient entièrement écartées de la gestion d’entreprise. Cela dit, il est possible de mettre en place des structures décisionnelles solides. On peut y arriver en prenant conscience de la facilité avec laquelle notre pensée peut nous amener à croire ce que l’on a envie de croire.
« Lorsque vous voyez des données contradictoires et que vous les rejetez, c’est que votre cerveau essaie d’éliminer le malaise en se basant sur l’information que vous croyez juste. C’est un signal d’alarme qui devrait vous inciter à creuser davantage. En tant qu’agronome, mon objectif n’était pas de prouver la véracité de quelque chose, mais de prouver que j’avais tort à propos de quelque chose », explique M. Boychyn.
« L’idée selon laquelle les méthodes utilisées dans le passé continueront d’être optimales doit être régulièrement remise en question. Et si vous vous retrouvez dans une chambre d’écho où personne n’exprime jamais d’idée contraire, vous risquez de rater des occasions. »
Dans un secteur d’activité ayant une dimension aussi personnelle que l’agriculture, les décisions les plus audacieuses sont prises non pas en supprimant les émotions, mais en reconnaissant leur rôle. Ne tentez pas de les éliminer, apprenez plutôt à vous en servir.
Prêter attention aux émotions signifie les considérer comme des signaux et non comme des directives. Prenez du recul, prenez conscience de votre état d’esprit et faites preuve d’ouverture aux nouvelles informations pour prendre des décisions plus réfléchies et plus équilibrées, et réussir à long terme.
Comment garder les idées claires quand les affaires deviennent personnelles
Détectez les signes. Sentiment de débordement, de frustration, des pensées qui tournent en rond? C’est un indice qu’une pause serait la bienvenue.
Demandez-vous pourquoi. Lorsque vous ressentez une forte émotion, arrêtez-vous et demandez-vous : « Pourquoi je me sens comme ça? »
Attendez avant d’agir. En cas de tension ou d’incertitude, prenez un peu de recul avant de prendre une décision importante.
Faites attention aux raccourcis. Ne vous appuyez pas uniquement sur ce qui a fonctionné dans le passé et ne vous fiez pas qu’à votre intuition.
Remettez en question votre façon de penser. Si vous avez la certitude d’avoir raison, tentez de prouver que vous avez tort. Cela pourrait vous aider à prendre une meilleure décision.
Faites de la place aux émotions. N’essayez pas de faire taire les émotions. Considérez-les comme l’un de vos outils décisionnels.
D’après un article de l’AgriSuccès par Matt McIntosh

